« Gardien du Temple », Georges Marchais a refusé. Fidèle au « centralisme démocratique », il a seulement distingué avec soin ce dernier du « centralisme autocratique et bureaucratique » pratiqué à l'Est. Adversaire déterminé du « fractionnisme », il a fait approuver du 20 au 22 septembre par le Comité central (où il disposait de 95 % des suffrages) le rapport de Gisèle Moreau qui, seul, a pu être soumis à l'approbation du XXVIIe congrès du PCF (Saint-Ouen, 18-22 décembre). C'était, sans doute, suffisant pour maintenir à son poste le secrétaire général ; mais ce respect rigide de pratiques dépassées, même en URSS, pourra-t-il empêcher la marginalisation définitive de ce turbulent membre de la « bande des quatre » ?

Soixante-dix ans après le congrès de Tours, François Mitterrand devrait s'en réjouir. Il n'est pas certain qu'il le puisse. Sans rival, mais aussi sans allié sur sa gauche, où le PSU s'est auto-dissous le 7 avril, il ne dispose, pour assurer l'avenir, que de l'électorat, minoritaire, du Parti à la rose, qui n'avait plus recueilli que 28,8 % des suffrages exprimés lors des élections de 1989. Ce tassement en voix s'est accentué en 1990, notamment à Oullins, le 4 février, et à Sarcelles, le 11 mars. Ces échecs laissent craindre le pire pour les législatives de 1993 si l'opposition surmonte ses divergences au sein de l'UPF alors que perdurent celles du PS.

Or celles-ci se sont manifestées violemment au congrès de Rennes (15-18 mars), qui a vu Laurent Fabius s'opposer à Lionel Jospin pour la conquête du pouvoir au sein de l'appareil avec, en arrière-plan, les ambitions présidentielles avouées du premier, soigneusement celées du second. Sept motions ont été mises en discussion le 15, cinq blocs irréconciliables le soir du 18 n'ont permis aucune synthèse. Le renouvellement du premier secrétaire, Pierre Mauroy, par le comité directeur ressoudé le 20 à Paris n'a pu empêcher l'irréparable : la rupture du « mitterrandisme » en deux courants antagonistes, qui, au sein de la direction du PS, ont donné du poids à l'unique vainqueur du congrès, Michel Rocard.

Pour exercer son autorité ainsi renforcée, le Premier ministre a dû se battre au moins sur cinq fronts. Au sommet de l'État, où son indice de popularité restait proche de celui de François Mitterrand, mal résigné à l'éventualité de sa candidature à la présidence de la République au détriment de son héritier présomptif, Laurent Fabius ; au sein du gouvernement, qu'il a remanié le 2 octobre pour en accroître la cohésion, tout en ne pouvant empêcher le départ du ministre des Affaires européennes, Édith Cresson, qui refusait de cautionner un immobilisme désastreux « en matière de politique industrielle » ; au niveau du Parti socialiste, où il a fait admettre, dès le 16 mai, que l'octroi du droit de vote aux immigrés lors des élections locales n'était pas immédiatement réalisable, et où il a dû également surmonter l'hostilité de son extrême gauche et celle des fabiusiens à l'institution d'un super-impôt, la CSG (contribution sociale généralisée), prélevée à la source sur les revenus des actifs, des chômeurs et des retraités !

Dès lors, seule la contrainte a permis à Michel Rocard d'obtenir l'adhésion du groupe parlementaire à sa politique réformiste. « Quand il y a consensus, c'est mieux, a-t-il déclaré à Nantes le 27 septembre ; quand il n'y en a pas, on fait sans, mais on fait quand même. » Frustré, le groupe a alors porté à sa présidence le fabiusien Jean Auroux. Avec une majorité relative réduite à 275 voix par la défection communiste, il n'a sauvé la CSG que grâce à l'article 49-3 et à l'impossibilité pour les 284 opposants de rallier à la motion de censure, le 19 novembre, la majorité absolue de 289 députés. Il s'en est fallu de cinq voix (encadré Cinq voix pour la CSG).

La loi de la rue

Cette victoire « à la Pyrrhus », suffisait, constitutionnellement, pour rester au pouvoir ; mais, pour s'y maintenir durablement, il fallait compter avec les déçus du socialisme multipliés par la politique de rigueur : abandon définitif de l'indexation des salaires sur les prix ; restriction de fait de la liberté de prescription des médecins ; utilisation de l'arme fiscale comme instrument de diminution des inégalités sociales en particulier, en portant de 70 à 85 % du revenu le montant maximum de l'imposition ; aggravation des conditions de travail et de l'insécurité dans les banlieues et dans les établissements scolaires ; persistance du chômage.