Mais les relations commerciales internationales sont beaucoup plus conflictuelles, notamment en raison de la persistance des déséquilibres extérieurs dont la correction s'est ralentie voire interrompue en 1989. Réflexe immédiat, le protectionnisme resurgit et déclenche périodiquement des tensions commerciales susceptibles de dégénérer à terme en une guerre commerciale internationale. Au-delà de cette réaction défensive à court terme, les entreprises se livrent aussi une bataille sans merci pour conquérir des marchés et tenir tête aux concurrents, à travers une démarche offensive qui consiste à s'adapter en permanence et à se restructurer, par exemple par rachat, fusion ou prise de participation (la vague des OPA en témoigne) pour obtenir la taille critique qui seule permet de se maintenir dans la course économique. Au centre de cette guerre se trouve l'industrie, et surtout celle à haute valeur ajoutée, qui reste la plus porteuse et qui tente de relever les défis des technologies avancées, car la course économique est avant tout technologique. À travers les entreprises, ce sont les pays qui s'affrontent et notamment le trio formé par les États-Unis, le Japon et l'Europe. La perspective du marché unique européen en 1993 dynamise particulièrement le Vieux Continent et contraint les firmes européennes à une reconversion accélérée pour affronter à terme la dure loi de la compétition internationale. L'économie mondiale se caractérise par la domination des grands pays industrialisés et l'internationalisation croissante d'entreprises beaucoup plus concentrées que naguère. Le libéralisme, qui conduit à une société de plus en plus inégalitaire et hiérarchisée, constitue ainsi un environnement favorable pour les entreprises, qui profitent en priorité des fruits de la croissance.

Un monde fragile

L'embellie actuelle semble toutefois reposer sur des bases fragiles puisque l'économie est dopée artificiellement par un endettement qui s'est généralisé. L'empilement gigantesque des dettes des États (les déficits budgétaires), des entreprises et des ménages – le surendettement – traduit une épargne nationale insuffisante, en dépit de la multiplication des mesures visant à l'encourager. Il s'ensuit un important déséquilibre de la balance des opérations courantes, les déficits d'épargne des uns (notamment des États-Unis) étant comblés à partir des énormes excédents des autres (essentiellement du Japon et de l'Allemagne fédérale).

À l'endettement interne s'ajoute donc un endettement extérieur croissant qui concerne toutes les zones économiques. Les marchés financiers financent ces considérables besoins en capitaux – d'où leur développement vertigineux –, mais, comme il existe un déséquilibre épargne-investissement global, chaque pays – et principalement le premier débiteur mondial que sont les États-Unis – tente d'attirer les capitaux étrangers sur son territoire grâce à des taux d'intérêt attrayants ; d'où l'élévation générale de ces derniers d'autant qu'ils facilitent la lutte anti-inflationniste et la défense des monnaies dans les pays concernés.

La hausse des taux d'intérêt américains explique en grande partie l'envolée du dollar au détriment du mark et du yen pendant le premier semestre, alors que les économies allemande et japonaise sont pourtant beaucoup plus saines. Le billet vert a atteint son plus haut niveau en juin (respectivement 2,04 deutsche Mark, 151 yens et 6,94 francs), après avoir enfoncé en mai les marges de fluctuation fixées par les accords du Louvre de février 1987 (1,70/1,90 DM et 120/140 Y), laissant entrevoir la fin de la coopération monétaire.

Les sept pays les plus industrialisés ont attendu le 23 septembre pour confirmer à Washington la validité de ces accords et s'engager à faire baisser la devise américaine ; mais ni les interventions accrues des banques centrales, ni les hausses des taux d'intérêt en Europe, puis au Japon, n'y sont parvenues dans les limites souhaitées. Finalement, ce sont les événements d'Allemagne de l'Est en novembre qui ont provoqué l'ascension de la devise ouest-allemande et un certain rééquilibrage des taux d'intérêt internationaux (ascension des taux longs allemands et baisse des taux courts américains) qui permettront au dollar de retomber au niveau qui était à peu près le sien au début de l'année (1,75 DM, 6,02 FF mais encore 143 Y au lieu de 122), puis bien en-deçà en fin de période (1,68 DM et 5,73 FF).