C'est là d'ailleurs que se situe le paradoxe : les images de synthèse électroniques qui donnent naissance aux jeux vidéo, comme aux dessins animés japonais ou aux génériques d'émissions, semblent à première vue d'un réalisme prodigieux. Mais elles n'ont pas d'existence réelle, ce qui autorise toutes les manipulations de la réalité. La frontière entre la réalité et l'image faussement réaliste qui en est donnée n'est guère facile à distinguer, en particulier pour les jeunes qui font une grande consommation d'audiovisuel.

Le voyage, au propre et au figuré

Voyager, c'est simplement « se déplacer hors de sa région ou de son pays » (Petit Larousse). Mais la charge symbolique du mot est très forte ; on peut, en voyageant, changer de lieu, d'identité, d'activité, d'habitudes, bref de vie. Au sens figuré, on peut aussi se déplacer hors de soi-même. C'est sans doute pourquoi l'idée de voyage occupe une place croissante dans la vie des Français. Ils sont de plus en plus nombreux à s'accorder des périodes de rupture et de liberté, réparties tout au long de l'année.

La façon dont les Français passent leurs vacances est d'ailleurs significative des grands mouvements sociologiques de l'époque. Le souci d'individualisme et de personnalisation est croissant. Le temps des vacances standardisées, avec les mêmes activités imposées à tous, est révolu. Les « produits » proposés doivent désormais permettre un choix de plus en plus large ; l'épaisseur des catalogues en témoigne. De même, la passivité, qui fut longtemps l'apanage des congés payés, n'a plus cours aujourd'hui. Les vacanciers de la fin des années 80 veulent profiter de ces moments privilégiés pour s'enrichir culturellement : découvrir de nouveaux paysages ; apprendre de nouvelles activités, sportives ou manuelles.

Une autre revendication essentielle, commune à la plupart des vacanciers, est celle du confort et de la sécurité. Pas question de subir les menaces ou les agressions d'un environnement hostile. La qualité de la literie, l'assurance de trouver un médecin ou de pouvoir rapatrier sa voiture sont des composantes des vacances réussies. Les tour-opérateurs et les responsables de clubs devront donc faire preuve de beaucoup d'imagination pour inventer des formules propres à satisfaire ces nouvelles exigences.

Il faut dire enfin un mot des autres formes de voyage ; on peut partir de soi-même comme on part en vacances à l'étranger. Le rêve en est le véhicule essentiel ; l'imagination, le support. Ce type de voyage est largement favorisé par l'environnement médiatique décrit précédemment : images de synthèse, créations artistiques, publicité, jeux de toutes sortes. Ce n'est évidemment pas un hasard si la drogue prend une place croissante dans les sociétés développées. Le « voyage » auquel elle conduit n'a rien à voir avec ceux proposés dans les catalogues. Mais beaucoup de jeunes ou d'artistes en mal de création voient en elle une réponse aux difficultés du quotidien et à des perspectives d'avenir maussades. Si le tabac et l'alcool tendent à diminuer ou à stagner, c'est sans doute qu'ils constituent des « drogues » trop douces, et surtout socialement acceptées, donc non contestataires. Or, le voyage permis par les drogues est avant tout individuel, en marge d'une société : dans laquelle on ne parvient pas à s'intégrer.

Les parcs, loisirs de substitution

Ces attentes nouvelles en matière de loisirs ne pouvaient qu'être favorables aux parcs de loisirs. C'est pourquoi ils se sont multipliés en France, en particulier autour de Paris. Mirapolis, parc Astérix, le Futuroscope, Zygofolies, Aquaboulevard, Center Parcs, le parc des Schtroumpfs et le futur Euro Dysneyland sont les plus connus. Le phénomène n'est cependant pas totalement neuf. Les bases nautiques, les parcs d'attraction (fêtes foraines), les parcs animaliers les ont précédés. Les stations de sports d'hiver, dont la France est particulièrement riche, peuvent aussi être considérées comme les premiers parcs de loisirs.

Le développement de ces parcs constitue une illustration particulièrement intéressante de l'évolution des modes de vie. Ils constituent en fait un substitut à un certain nombre de pratiques en régression, bien qu'encore largement répandues. La première est la disposition d'une résidence secondaire, spécialité nationale puisqu'elle concerne un peu plus d'un ménage sur dix. Beaucoup ont découvert que la maison de campagne présentait à l'usage trois inconvénients majeurs : coût d'entretien élevé ou obligation de passer une partie importante de son temps à réparer la toiture ou à refaire les canalisations ; difficulté croissante d'accès, due à l'augmentation notable des encombrements pendant les week-ends ; lassitude (souvent ressentie d'abord par les enfants) liée au fait d'aller toujours au même endroit. Contraintes financières, embouteillages et volonté de changement expliquent la désaffection actuelle vis-à-vis des résidences secondaires et renforcent l'intérêt des parcs de loisirs de proximité.