Venant d'Italie, plusieurs œuvres-testaments de grands auteurs décédés ces dernières années ont été traduites. Ainsi, d'Italo Calvino, les Leçons américaines, aide-mémoire pour le prochain millénaire (Gallimard), et, chez le même éditeur, les Naufragés et les rescapés, où Primo Levi tente de comprendre le non-sens de l'univers concentrationnaire. On a pu lire aussi le Chevalier et la mort et Portes ouvertes (Fayard), deux fables politiques et policières du Sicilien Leonardo Sciascia, mort à l'automne.

Les lettres espagnoles, en revanche, ne semblent pas, chez nous, estimées à leur juste valeur, exception faite du roman galant et baroque de Gonzalo Torrente Ballester, l'Île des jacinthes coupées (Actes Sud). Traduits de l'espagnol encore, les livres de Mario Vargas Llosa ont l'ambition d'un auteur qui aspire à être élu président du Pérou en 1990 (Contre vents et marées, Gallimard).

Les œuvres qui, cette année, nous sont parvenues d'Allemagne révèlent une littérature à la recherche d'une improbable identité. C'est le souvenir du nazisme qui habite les Exclus d'Elfriede Jelinek (Jacqueline Chambon), alors que Christoph Ransmayr, un nouveau talent, a trouvé son inspiration dans le passé romain (le Dernier des mondes, Flammarion).

Mais, pour nombre d'éditeurs français, le vent venait de l'Est. À l'heure de la perestroïka, la littérature russe se débâillonne. Irina Ratouchinskaïa, (Grise est la couleur de l'espoir, Plon) révèle les blessures faites par le régime et Anatoly Pristavkine se souvient de son enfance dans les camps staliniens (Un nuage d'or sur le Caucase, Laffont). Des thèmes similaires habitent la saga de la Maison Pouchkine, d'Andrei Bitov (Albin Michel), que la presse a salué. Cette dernière a eu la même unanimité pour l'Albanais Ismaïl Kadaré dont le Concert est une épopée guerrière et politique située dans la Chine d'aujourd'hui.

Les éditeurs ont aussi tendu la main au patrimoine chinois. Ainsi, Automne, de Pa Kin, publié en France un demi-siècle après sa parution en Chine. Le Japon – et sa littérature -déferle également à Paris avec l'un de ses écrivains les plus fascinants, Kenji Nakagami (Mille ans de plaisir, Fayard).

D'autres mondes également nous sont venus les livres de V.S. Naipaul qui médite sur l'Inde déchirée (Une tournée dans le Sud, Christian Bourgois). Enfin, bon nombre de romans américains ont rencontré un vif intérêt en France : Une prière pour Owen, de John Irving, sorte d'anti-rêve américain, et la Maison Russie, roman d'espionnage de John Le Carré (Laffont). Pour sa folie imaginaire, il faut signaler le Photographe et ses modèles, de John Hawkes (Seuil), et, pour les abysses de l'autobiographie, le Capitaine et l'ennemi, de Graham Greene (Laffont).

Du côté des romans d'amour, le public a découvert le Brigand bien-aimé (Flammarion), écrit par l'une des dernières survivantes du Grand Sud, Eudora Welty, ainsi que la Correspondance passionnée d'Anaïs Nin et d'Henry Miller (Stock).

Françoise Devillers

Littérature française

« La fureur de lire », opération lancée par le ministère de la Culture et de la Communication, a été la première grande fête du livre et l'occasion, pour un week-end et dans toute la France, d'animations et de rencontres avec les écrivains. Presque simultanément, la littérature française était l'invitée d'honneur de la Foire internationale de Francfort.

De jeunes espoirs se sont confirmés avec Françoise Bouillot, évoquant la violence du monde campagnard (la Boue, M. Sell), et Sylvie Germain, habitée par la démence du monde (Opéra muet, id.) ; et les femmes ont encore régné sur les best-sellers : Françoise Sagan (la Laisse, Julliard), Irène Frain (Secrets de famille, Lattès), Nicole Avril (Dans les jardins de mon père, Flammarion), Françoise Chandernagor (l'Archange de Vienne, Éd. de Fallois).

Deux figures du nouveau roman ont marqué l'année : Nathalie Sarraute, avec Tu ne t'aimes pas (Gallimard), et Claude Simon qui, fidèle aux Éditions de Minuit, a donné l'Acacia. Quant à Julien Green, il a évoqué dans les Étoiles du Sud l'Amérique d'avant la guerre de Sécession.