Née en 1985 dans les laboratoires de l'université de Leicester, en Grande-Bretagne, la technique des empreintes génétiques est actuellement la plus sûre dont on dispose pour différencier les individus. Fondée sur la visualisation de courtes séquences génétiques, réparties de façon répétitive sur nos chromosomes et appelées « séquences satellites », elle permet en effet d'établir une véritable carte d'identité génétique. En quelque sorte un « code barres » biologique, qui confère à chaque individu un caractère absolument unique – exception faite des vrais jumeaux. Et ce à partir d'une unique goutte de sang ou de sperme, d'un fragment de peau... ou d'un simple cheveu !

Tout d'abord employée en Grande-Bretagne pour des recherches en paternité, puis par des criminologues, la technique des empreintes génétiques a fait son entrée en France en 1988. Depuis cette date, la société privée Appligène exploite à Strasbourg, en exclusivité pour notre pays, un brevet déposé par une équipe belge. Depuis janvier 1989, une seconde société, baptisée Codgène et associant l'Institut de médecine légale de Strasbourg, l'université Louis-Pasteur et une filiale de la Société générale, s'est également spécialisée dans cette technique d'identification, à partir d'un brevet détenu par une société américaine.

Cas litigieux de paternité, d'immigration, d'enquêtes judiciaires : les applications de la technique des empreintes génétiques sont nombreuses, et son apparition au tribunal de grande instance d'Évry n'en est qu'un tout premier exemple. Reste, inévitablement, la question d'ordre éthique : l'accès direct et sans contrôle à l'identification biologique ne risque-t-il pas, dans un avenir proche, de menacer les libertés individuelles ?

Certes, en cas d'action judiciaire, le recours à cette technique nouvelle ne peut avoir lieu que sur l'ordonnance d'un magistrat ; et la société Codgène, après avoir tenté en vain de convaincre le Conseil national de l'ordre des médecins, a renoncé à fournir aux particuliers qui en feraient la demande la preuve biologique d'une filiation. Mais qu'arrivera-t-il demain, si des « expertises à l'amiable » se généralisent ? Un nouvel avatar de la génétique auquel législateurs et comités d'éthique devront désormais rester attentifs, sous peine d'exposer la société à des risques de débordements graves et incontrôlés.

Le génome en carte

Premiers concernés par ces travaux : les gènes impliqués dans les maladies héréditaires. On dénombre actuellement, en effet, quelque 3 500 désordres pathologiques liés à des anomalies génétiques. Certaines sont bien connues, telles la trisomie 21 (mongolisme) ou la myopathie de Duchenne ; mais de certains cancers aux maladies cardio-vasculaires, en passant par la chorée de Huntington, la maladie d'Alzheimer ou la rarissime maladie de Lesch-Nyan, la plupart restent encore mal comprises, et la médecine ne dispose contre elles, le plus souvent, que de moyens dérisoires.

On imagine sans peine, dans ce contexte, l'aide formidable que peut apporter aux médecins la cartographie des gènes. Connaître la localisation (et donc la structure) d'un gène impliqué dans une maladie, cela signifie pouvoir déchiffrer la fonction pour laquelle il est programmé, et donc décrypter les rouages biochimiques de la maladie. Au mois d'août de cette année, une équipe de chercheurs canadiens et américains, dirigée par l'Hôpital des enfants malades de Toronto et l'université du Michigan, annonçait ainsi avoir isolé le gène responsable de la mucoviscidose, l'une des maladies héréditaires les plus graves et les plus fréquentes (due à des anomalies du métabolisme de certaines glandes), qui survient dans les populations d'origine européenne. On savait depuis longtemps que ce gène se situait dans une région particulière du bras long du chromosome 7, mais des années de tâtonnement moléculaire furent nécessaires pour son identification précise. Selon ses auteurs, ce travail pourrait permettre de disposer d'ici peu d'un test de dépistage des parents à risque et, à plus long terme, de mettre au point un traitement adapté à la mucoviscidose.

Les avancées de la technique

Aux progrès enregistrés dans la cartographie des gènes humains vient par ailleurs s'ajouter la mise au point de nouveaux outils moléculaires, qui offrent aux biologistes une panoplie toujours plus sophistiquée pour étudier ou modifier notre patrimoine héréditaire. Actuellement, les chercheurs font reposer leurs espoirs sur une technique récemment mise au point par la firme américaine Cetus. Nommée PCR (Polymerase chain reaction), cette dernière permet, en quelques heures, de multiplier des centaines de milliers de fois n'importe quel fragment d'ADN, pour peu que l'on connaisse tout ou une partie de sa séquence. Il suffit ainsi d'une quantité infinitésimale de matériel génétique, prélevé sur seulement quelques cellules, pour détecter la présence ou l'absence d'un gène déterminé, impliqué par exemple dans une infection virale.