Les forêts naturelles et les plantations forestières sont néanmoins menacées, ici et là, de dépérissement par les pluies acides, les sécheresses prolongées, les parasites, ou de destruction par le feu. En juillet, au Canada, entre un million et un million et demi d'hectares de forêt (sur un total de 450 millions) ont été réduits en cendres dans les provinces du Manitoba, du Saskatchewan et de l'Ontario ; plus de 350 000 hectares de forêt méditerranéenne ont été anéantis cet été en France, en Espagne, en Italie et en Grèce.

La déforestation apparaît d'ores et déjà comme un véritable « holocauste » écologique et biologique aux conséquences gravissimes et imprévisibles à terme. Elle favorise le ruissellement et l'érosion des sols (les pertes de sol peuvent atteindre entre 10 et 100 t par hectare et par an dans les régions essartées de Côte-d'Ivoire, de Thaïlande, du Bhoutan ou de Bornéo...). Elle est à l'origine de mouvements de terrains parfois meurtriers et elle provoque le dysfonctionnement hydrologique des cours d'eau dont les crues sont de plus en plus brutales.

Elle explique aussi l'appauvrissement de la faune. Il est prouvé que le rythme des extinctions des espèces animales s'accélère ; le nombre d'espèces diminuerait de moitié lorsque la surface de l'écosystème est divisée par 10.

La couverture forestière fournit à l'atmosphère de l'oxygène et de la vapeur d'eau, du gaz carbonique aussi, quand elle brûle. Sa destruction, qui se traduit par une augmentation de l'albédo, pourrait perturber gravement le climat planétaire. Aussi faut-il rendre hommage à Chico (Francisco) Mendes, modeste seringueiro et écologiste de terrain, assassiné à Xapuri le 22 décembre 1988 pour avoir voulu éviter à la sylve amazonienne, élément majeur de notre patrimoine forestier, une mortelle « rondonisation » (néologisme, synonyme de la désertisation par déforestation pratiquée à grande échelle dans l'État de Rondonia, au sud de l'Amazonie brésilienne).

La faune en danger...

La diversité biologique de la Terre est remarquable, mais nous ne connaissons pas le nombre réel d'espèces avec qui nous cohabitons : entre 4 et 20 millions, dont plus de la moitié vivrait dans les forêts tropicales si menacées, alors que le nombre d'espèces définies de façon formelle s'élève à 1,4 million seulement. Ces chiffres sont impressionnants, même si l'on pense que les espèces de bactéries sont sans doute beaucoup plus nombreuses que les 3 000 qui ont été recensées à ce jour.

Le rythme des disparitions s'est considérablement accru avec l'apparition de l'homme, espèce dont les effectifs ne cessent de croître, ou à l'occasion de crises climatiques. D'après les conclusions du récent congrès de Rome sur les espèces vivantes (août 1989), 5 000 espèces disparaissent chaque année ; or l'extinction d'une espèce est irréversible. En France, sur les 523 espèces de vertébrés répertoriées au début du xxe siècle, 22 ont disparu (bouquetin des Pyrénées, pipistrelle de Savi, balbuzard pêcheur, pygargue à queue blanche...), 248 sont menacées (oreillard, genette, hermine, desman des Pyrénées...), alors que d'autres espèces se maintiennent ou prolifèrent (rats, campagnols, mouette rieuse, goéland argenté, ragondin ou rat musqué).

Ailleurs, dans les océans ou sur les continents, bien des espèces sont en voie d'extinction (le rorqual de Rudolf, le rhinocéros blanc, le rhinocéros noir – 65 000 en 1970, 3 700 en 1989 –, l'éléphant d'Afrique...). Ce dernier semble désormais en sursis depuis que les États membres de la Convention de Washington (Convention sur le commerce international des espèces en voie de disparition, la CITES) ont décidé, le 27 octobre dernier, à Lausanne, d'interdire totalement le commerce de l'ivoire à compter du 11 janvier 1990. Précisons, enfin, que l'homme n'exploite qu'un nombre infime d'espèces naturelles ; sur plus de 70 000 espèces de plantes partiellement ou totalement comestibles, une vingtaine d'espèces seulement dont le blé, l'orge, le riz, le maïs... interviennent dans son alimentation.

Il ressort de ce qui précède que l'homme est responsable de l'état actuel de la planète. L'attitude la plus raisonnable est la prévention, par la limitation de toutes les pollutions et par la gestion rationnelle (et non le pillage !), de l'ensemble des ressources terrestres disponibles en adoptant, au plan international, une stratégie de lutte contre la dégradation générale de l'environnement et la modification du climat.

Philippe C. Chamard
Philippe C. Chamard, géographe et quaternariste, est maître de conférences à l'université de Paris-X et consultant d'organismes internationaux.