Le mal de terre

La planète encore bleue et un peu moins verte évolue dans une drôle d'atmosphère. Et l'homme dans tout ça ?

L'eau, qui altère les roches, transporte et accumule les produits de l'érosion, participe à l'évolution des paysages en modelant des reliefs très variés : chaque année, 12 milliards de m3 de débris minéraux sont arrachés aux continents. Mais l'eau, à laquelle la biosphère doit son existence, est, avant tout, la ressource indispensable à l'homme.

La réserve en eau de la planète, estimée à 1,4 milliard de km3, est constante, le cycle de l'eau perpétuel : l'eau des océans et des continents, l'eau de constitution des plantes s'évapore dans l'atmosphère avant de revenir vers les océans et les terres émergées sous forme de pluie, de grêle ou de neige. Les eaux océaniques, les eaux retenues par les calottes glaciaires et les glaciers, les eaux continentales représentent respectivement 97,2 %, 2 % et 0,6 % du volume total. L'atmosphère contient en permanence 13 000 km3 de vapeur d'eau. Sur les 110 000 km3 qui tombent chaque année sur les continents, 15 000 s'infiltrent dans les sols ou sont absorbés par la végétation, 60 000 s'évaporent et 35 000 alimentent lacs et rivières.

Douces, les eaux terrestres ?

L'homme n'utilise que la moitié environ de ces eaux de surface, soit 15 000 à 20 000 km3. Ces ressources sont très supérieures aux besoins de la population mondiale actuelle et il n'y a aucun risque de pénurie à court terme. Précisons néanmoins que la répartition spatiale des réserves d'eau douce est aussi inégale que celle des précipitations et que la qualité minérale et bactériologique de l'eau, comme le coût d'exhaure et de traitement des eaux libres et des nappes, varie considérablement d'un pays à l'autre.

Dans les régions où les besoins dépassent les réserves, là où le taux de croissance de la population est élevé, le développement de l'agriculture et de l'industrie rapide, le tarissement des nappes phréatiques est fréquent (Inde, Chine, Amérique latine...). Les aménagements hydrauliques sont alors préférables à l'exploitation des nappes profondes, généralement fossiles, qui ne sont plus réalimentées dans les conditions climatiques actuelles.

La pollution des eaux douces continentales, parce que plurielle, est, en cette fin de xxe siècle, très préoccupante. Bénigne lorsqu'elle est d'origine naturelle, elle peut avoir de graves conséquences pour la flore, la faune et l'homme lorsqu'elle est d'origine industrielle et/ou agricole. Dans les pays en voie de développement, la déforestation, qui exacerbe le ruissellement et l'érosion des sols, a pour effet d'accroître considérablement la turbidité des eaux fluviales et lacustres ainsi que l'alluvionnement. Les eaux de surface comme les nappes superficielles peuvent être souillées par des déchets organiques d'origine végétale, animale ou humaine ; elles véhiculent alors des germes pathogènes, vecteurs de la typhoïde, du choléra ou de la dysenterie.

Dans les pays développés, la pollution des eaux est le fait des activités industrielles et agricoles comme de la production-accumulation d'un volume considérable de déchets ménagers très variés et, pour certains, toxiques. La concentration de substances dangereuses dans les rivières et les nappes phréatiques atteint parfois des valeurs critiques. Les métaux lourds (plomb, mercure, cadmium, cuivre...), les produits chimiques de synthèse comme les pesticides, les engrais (phosphates et nitrates), les solvants..., les pluies même, lorsqu'elles sont acides, sont devenus des polluants très ordinaires dans les pays industrialisés et dans certains pays d'Amérique latine ou d'Asie du Sud-Est.

Il est à noter que la pollution s'est globalement stabilisée dans les pays d'Europe occidentale depuis 1980. Les déchets traditionnels sont traités avec quelque succès par sédimentation ou par dégradation microbiologique. Les méthodes de dégradation des polluants industriels (métaux et produits chimiques), plus onéreuses, progressent régulièrement. Il reste cependant beaucoup à faire pour améliorer la qualité des eaux continentales – de l'eau de consommation –, pour restaurer les écosystèmes fluviaux et lacustres, pour éviter ou limiter les risques de pollution des rivières, des lacs, des nappes superficielles ou profondes, et pour exploiter et gérer rationnellement les ressources dont nous disposons.