L'Année de la danse

Les Français ont toujours aimé la danse. Pourtant, ils boudent les spectacles chorégraphiques. À l'occasion de l'Année de la danse, on s'est demandé ce qu'il fallait faire pour les attirer vers cet art vivant.

Tout a commencé en 1987, lorsque M. François Léotard, ministre de la Culture de M. Jacques Chirac, décida de charger M. Igor Eisner, inspecteur général de la danse, de mettre en place au sein de son ministère une délégation spécialisée dont la direction fut alors confiée à Mme Brigitte Lefèvre. Pour soutenir son initiative, M. Léotard annonça également la création d'un Conseil supérieur de la danse, présidé par le même Igor Eisner, dont la mission devait être d'établir un dialogue constructif avec l'ensemble de la profession, de fournir des avis sur les grandes orientations de la politique à mener dans ce domaine, ou sur les moyens de la mettre en œuvre, et de coordonner les actions des diverses administrations concernées.

Un art oublié des pouvoirs publics

Dans ces décisions, Mme Brigitte Lefèvre a voulu voir la reconnaissance du développement exceptionnel de l'art chorégraphique en France et profiter pleinement de l'occasion qui lui était ainsi donnée de lancer enfin une « politique de fond ». En janvier 1988, cette analyse l'a conduite à expliquer clairement ce qu'elle attendait de l'Année de la danse : un premier pas vers l'autonomie budgétaire et administrative de cet art. qui pourrait devenir l'allié à part entière de la musique et du théâtre, sans avoir désormais besoin d'eux pour subsister ; en même temps, l'occasion d'obtenir sa relative revalorisation aux yeux du grand public.

Une triple action a été entreprise alors en direction de l'enseignement, de la création et de la diffusion. La première doit permettre de développer l'intervention dans le milieu scolaire de danseurs préalablement formés, l'ouverture de classes supplémentaires dans les conservatoires et, enfin, la défense de la profession, grâce au contrôle des aptitudes et des connaissances des enseignants et à la création d'un diplôme d'État, qui garantirait également la qualification des professeurs exerçant dans le privé.

Deuxième action : deux commissions consultatives créées pour l'attribution des aides aux projets de créations et aux compagnies indépendantes sélectionneront dorénavant les centres et les troupes susceptibles de recevoir une aide ; la répartition des subventions devrait être ainsi mieux équilibrée.

Troisième action, enfin : il sera remédié au sous-équipement de certaines régions afin d'élargir le public, les médias audiovisuels seront incités à consacrer plus d'argent à la production de programmes chorégraphiques, la Cinémathèque de la danse sera soutenue, la dotation de l'Office national de diffusion artistique sera augmentée, et le service des Affaires internationales du ministère de la Culture, ainsi que le ministère des Affaires étrangères seront impliqués dans une action de promotion de la danse hors de France.

L'Année de la danse ne pouvait, bien évidemment, qu'amorcer la réalisation d'un aussi vaste programme ; aussi de nombreux espoirs ont-ils été déçus. Beaucoup de créateurs, en effet, auraient souhaité voir leurs conditions de vie professionnelle changer plus rapidement et plus radicalement. Paradoxalement, en France, les difficultés de la danse sont nées de la richesse de la vie chorégraphique. Dans notre pays, il existe, tous niveaux confondus, près de 300 compagnies, et certaines troupes professionnelles exigent des moyens à la mesure de leur prestige. N'est-ce pas la rançon du succès pour un art jusqu'alors oublié des pouvoirs publics ?

Quatre siècles de fondations

Les Français aiment la danse, qui, bien plus que la musique, est ancrée dans leur histoire socioculturelle. Pris entre l'Italie, berceau de la peinture européenne, et l'Allemagne, l'un des plus grands foyers de la musique, ils ont toujours opté pour les arts picturaux en particulier, et visuels en général. Aussi la France est-elle constamment représentée dans l'histoire de la danse, même populaire, soit comme initiatrice de genres ou de mouvements esthétiques, soit comme terre d'accueil. Chez nous, le ballet est né au xvie siècle de l'organisation de danses nobles et paysannes, associées au théâtre et à la musique instrumentale nouvellement affranchie de l'art vocal.