La destruction de la forêt tropicale est souvent suivie d'une autre forme de dégradation des ressources naturelles : la destruction des terres cultivables. Les cas sont en effet nombreux d'exploitation intensive et épuisante de sols tropicaux déforestés, caractérisés par leur fragilité. Une telle situation n'est pas rare au Brésil, par exemple. Dans nos régions tempérées, l'érosion est un phénomène extrêmement répandu, dû principalement à l'eau de ruissellement et, dans certaines régions, à l'action du vent. En France, une ancienne enquête réalisée en 1949 et non renouvelée depuis chiffrait à 4 millions d'hectares les surfaces exposées à l'érosion. Aux États-Unis, un tiers des terres cultivables est affecté. Si l'érosion ne risque de détruire les terres qu'à long terme, les rendements des cultures peuvent baisser assez vite puisqu'ils dépendent de la profondeur de la terre arable. Certaines cultures sont d'ailleurs elles-mêmes responsables de phénomènes érosifs, notamment lorsqu'elles couvrent peu le sol et occupent peu de temps les terres en raison de cycles de végétation de courte durée. Le maïs, qui a connu une remarquable extension géographique en France, en est un bon exemple.

Souvent, le phénomène érosif se combine avec la diminution des taux d'humus pour mettre en péril la fertilité des terres à long terme. On assiste ainsi à une profonde modification du comportement de l'agriculteur : alors que la tradition voulait qu'il maintienne, voire améliore, la qualité de ses terres, assurant une gestion de ce patrimoine « en bon père de famille », il est moins préoccupé maintenant de conserver les acquis que d'assurer la rentabilité immédiate de son exploitation. Cette attitude relève d'un changement de mentalité provenant des contraintes économiques qui pèsent sur l'agriculture intensive et que l'on retrouve dans les rapports au paysage. C'est ce que chacun a pu constater en parcourant le bocage, les plaines d'openfield ou les vallées de montagne : les communautés rurales ont produit des paysages ruraux forts différents, dont la diversité est une richesse à laquelle les habitants des campagnes comme les urbains attachent des valeurs symboliques fortement enracinées dans les pratiques sociales. Ce n'est pas un hasard si les concepteurs des affiches glorifiant la « force tranquille » d'un candidat à la présidence de la République, en 1981, avaient placé, derrière lui, un village niché au creux de son terroir.

Or, il est apparu que certaines de ces structures agraires et paysagères étaient devenues incompatibles avec la mise en œuvre des moyens de production qu'utilise l'agriculture intensive. Le cas le plus parlant est celui du bocage. Pour agrandir et recomposer les parcelles, les adapter aux moyens mécaniques modernes, le remembrement rural a abattu les haies et arasé les talus dans un certain nombre de régions sans prendre toujours en compte les conséquences d'un tel aménagement sur les composantes esthétiques et symboliques du paysage. Il a fallu attendre la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature pour que les études d'impact de remembrement soient rendues obligatoires. Même après ces décisions, le paysage est resté le parent pauvre des opérations d'aménagement foncier. Ce n'est que dans le passé très récent que l'administration a entrepris des efforts visant à donner à cet élément majeur du patrimoine qu'est le paysage rural l'attention qu'il mérite.

Agriculture et espace

Dans un pays comme la France, l'agriculture demeure, de très loin, l'activité occupant le plus d'espace. La surface agricole utilisée (SAU) s'étend sur 57 p. 100 du territoire métropolitain contre 5 p. 100 à l'espace agricole non cultivé, 26 p. 100 aux superficies boisées et 12 p. 100 au territoire non agricole.

La tendance est cependant à la régression de l'espace agricole. L'avancée la plus spectaculaire est due à la forêt, qui occupait seulement 8 millions d'hectares il y a un siècle (14 p. 100 du territoire) et atteint maintenant 14,3 millions d'hectares. Dans la période récente, le territoire non agricole et non forestier s'est beaucoup accru sous les effets de l'urbanisation. Chaque année, la SAU diminue d'environ 50 000 à 60 000 hectares.