Or, cet « ordre éternel des champs », créateur d'équilibres perçus comme quasiment invariables – même s'ils étaient en constante mais très lente transformation –, a été bousculé sans ménagement par l'irruption des mécanismes économiques qui ont induit le développement de nouvelles formes d'agriculture. Celles-ci, caractérisées par la recherche permanente de l'accroissement de la productivité du travail à travers l'usage des machines et des produits fabriqués par l'industrie (engrais, pesticides, aliments du bétail, semences sélectionnées), sont qualifiées d'intensives ou de productivistes. Les nouveaux rapports instaurés entre ces agricultures, d'une part, les ressources naturelles et l'environnement, d'autre part, ne se sont pas établis sans ruptures des anciens équilibres, ruptures qui font maintenant de l'activité agricole l'origine de nombreux problèmes écologiques et environnementaux.

La pollution par la fertilisation et les dangers des pesticides

L'un des plus commentés parmi ces problèmes concerne les conséquences de la fertilisation par les engrais chimiques, en particulier les engrais azotés, responsables d'excès de nitrates dans les eaux (L'auteur remercie Patrick Legrand, animateur de la cellule « environnement » de l'Institut national de la recherche agronomique, pour son appui documentaire.). On sait que ces excès peuvent provoquer des maladies spécifiques chez l'homme, en particulier la méthémoglobinémie, qui se manifeste par un manque d'oxygénation des tissus, surtout chez les nourrissons, et peut être mortelle. Chez les animaux, l'absorption prolongée d'eau excessivement nitratée entraîne des retards de croissance, des avortements, la stérilité. On considère qu'une eau contenant plus de 100 mg/l de nitrates ne doit pas être consommée, la directive communautaire du 15 juillet 1980 indiquant la limite de 50 mg/l pour la consommation humaine. Or, avec l'usage massif des engrais chimiques, l'azote, qui produit les nitrates, est employé maintenant à des doses dix fois supérieures à celles d'il y a trente ans. Pour des raisons liées aux conditions de l'apport des fertilisants, aux caractéristiques des plantes cultivées, à la nature du sol, une partie de cet azote passe dans les eaux souterraines, provoquant une pollution diffuse dont la mesure et le traitement sont particulièrement ardus. Mais cette pollution est une réalité : une enquête réalisée en 1981 par le ministère de la Santé a montré que 2 p. 100 de la population, en France, soit 1,2 million de personnes, consommaient une eau dont la teneur en nitrates dépassait la norme de 50 mg/l.

Devant cette situation, un Comité d'orientation pour la réduction de la pollution des eaux par les nitrates (et les phosphates) provenant des activités agricoles (COPREN), associant le ministère de l'Agriculture et le ministère de l'Environnement, a été créé en 1984. Son action sera de longue haleine pour aboutir à une meilleure maîtrise des pratiques agricoles.

Parmi les produits que l'industrie fournit à l'agriculture, les pesticides sont sans cesse mis en accusation, tant il est vrai que les risques écologiques que comportent leur fabrication et leur usage sont divers et considérables.

On sait les dangers auxquels sont exposés les sites de production. Après Seveso (Éd. 1977) et Bhopal (Éd. 1985), la preuve la plus récente de la réalité de ces risques a été donnée en novembre 1986 lorsque 200 tonnes d'herbicide ont été rejetées dans le Rhin après l'incendie des entrepôts de la firme Sandoz à Bâle. Le fleuve a été « stérilisé » sur plusieurs dizaines de kilomètres, d'après le rapport français rédigé après l'accident. Les risques encourus par les personnes sur les lieux d'utilisation sont également bien connus, principalement dans le tiers monde, où l'usage des pesticides est moins sévèrement réglementé que dans les pays développés et où l'insuffisante formation des hommes aboutit à des emplois mal raisonnes. Les intoxications et les morts se comptent par milliers. Dans certains pays, le lait de femme contient des doses de DDT bien plus fortes que celles admises par l'Organisation mondiale de la santé. D'autres pesticides, comme l'Aldicarbe, conduisent à des pollutions localisées de la nappe phréatique.