La dette du tiers monde

La gestion de la dette a permis d'éviter les ruptures que l'on aurait pu craindre, mais montre maintenant ses limites : les banques, réduites aux rééchelonnements, deviennent difficiles à convaincre, alors que les pays endettés ne voient pas la fin de la récession.

Après l'éclatement de la crise lors de la cessation de paiement mexicaine en août 1982, le problème de l'endettement des pays en développement est resté en 1986 l'un des points chauds de l'actualité économique internationale. Certes, un climat d'optimisme s'était établi depuis 1984, alors qu'une crise profonde du système financier international avait été évitée, et que la formidable croissance américaine parvenait à faciliter l'ajustement économique et financier des pays endettés. Mais une certaine désillusion s'installait, en 1985, devant la morosité de la situation et des perspectives économiques internationales, la faiblesse persistante des cours des matières premières, la montée de tensions protectionnistes : autant de facteurs qui paraissaient éloigner encore toute perspective de voir, à court terme, les pays en développement endettés assainir leur équilibre financier extérieur et retrouver le chemin d'une croissance durable.

L'effondrement des prix du pétrole a paru tirer d'affaire certains pays importateurs comme le Brésil, qui a vu en 1986 sa contrainte extérieure considérablement allégée. Mais il a aussi suscité en 1986 un regain d'inquiétude concernant la situation des pays endettés exportateurs de pétrole, tout particulièrement le Mexique, présenté jusqu'en 1985 comme le « bon élève » de l'ajustement, pionnier des accords marquants de renégociation de la dette, comme celui du rééchelonnement pluriannuel conclu avec ses banques créditrices et le FMI en 1985 ; cet accord portait sur 49 milliards de dollars (la moitié de la dette extérieure du pays) et représentait tant par le montant que par le report d'échéances (14 ans) un tournant dans la gestion des problèmes d'endettement. Tous ces progrès apparaissaient soudain remis en cause par le « troisième choc » pétrolier, le pays tirant du pétrole près des trois quarts de ses recettes d'exportations et près de la moitié de ses recettes fiscales. Il fallait donc de nouveau mettre en place une opération de sauvetage qui a fait, tout au long de l'année, l'objet de négociations laborieuses. L'accord qui en est résulté, conclu entre le Mexique, le comité représentatif des banques, le FMI et le Club de Paris, a été présenté comme un nouveau pas en avant dans la gestion des problèmes de la dette. Il s'agit tout d'abord de la première mise en application du plan Baker élaboré par le secrétaire américain au Trésor lors de l'assemblée annuelle du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, en septembre 1985. Ce plan prévoyait la coopération des débiteurs et des créanciers autour de stratégies d'ajustement permettant la croissance. Il proposait de mettre 40 milliards de prêts nouveaux sur une période de 3 ans à la disposition de 15 pays parmi les plus endettés (Il s'agit de trois pays d'Afrique (Côte-d'Ivoire, Maroc, Nigeria), de dix pays d'Amerique latine, de la Yougoslavie et des Philippines.), sous réserve de leur détermination à poursuivre des réformes économiques. Une moitié de cette somme serait fournie par les banques commerciales, et l'autre par les pays industrialisés et les agences multilatérales. C'est ainsi que l'accord mexicain s'accompagne de près de 12 milliards de dollars de nouveaux prêts, dont 6 milliards de la part des banques commerciales. Mais au-delà des montants élevés de ces nouveaux crédits, l'accord innove également en matière d'allongement de la validité de certains prêts rééchelonnés (20 ans), de diminution des marges demandées par les banques (13/16 p. 100 au-dessus du Libor, contre 1 1/8 p. 100 lors du rééchelonnement de 1985), de garanties accordées par la Banque mondiale (sur un montant de 750 millions) et surtout par la mise en place d'un prêt conditionnel de 1,7 milliard de dollars mobilisables sous contrôle du Fonds monétaire international, dès lors que le pays respecte ses engagements en matière d'ajustement, n'atteint pas une croissance économique suffisante, et que le prix du baril de pétrole tombe au-dessous de 9 dollars (voir tableau I).