Pour garantir son indépendance, politique notamment, Amnesty International s'est fixé comme principe d'assurer elle-même son financement. Elle refuse toute subvention gouvernementale et assure son autonomie par les cotisations de ses membres, par des dons soumis à des règles strictes, par la vente de ses publications et par des campagnes locales de fonds.

À la fin de sa première année d'existence, les comptes d'Amnesty International présentaient un état de dépenses d'environ 72 000 F. En 1986, le budget international s'élève à 72 000 000 F. Cette augmentation est proportionnelle à la croissance de l'action entreprise.

25 000 membres en France

Amnesty compte aujourd'hui 44 sections nationales. La section française a été créée en 1971 ; issue de mai 1968, dans un contexte d'effervescence intellectuelle, elle a été fondée par Marie-José Protais. Aujourd'hui, elle compte 25 000 membres, soit 433 groupes.

Le Secrétariat international confie les dossiers de deux ou trois prisonniers directement aux groupes, qui se réunissent une fois par mois. À partir des directives qu'il a reçues de Londres et en liaison avec la section nationale, le groupe organise sa propre action. En général, les dossiers des prisonniers adoptés sont plus particulièrement pris en charge par trois ou quatre personnes. L'action de ce sous-groupe, qui assure toute la correspondance avec le prisonnier, sa famille, le directeur de la prison, les autorités locales, est le centre de gravité de tout ce qui va être entrepris par les autres membres, qui mènent une action de sensibilisation dans l'opinion publique (conférences sur les droits de l'homme, spectacles, ventes d'objets, stands sur les marchés, informations auprès des écoles). Ces membres, bénévoles, soulignent volontiers l'enrichissement personnel qu'Amnesty International leur apporte : « C'est une ouverture au monde et aux autres, c'est l'universalité de l'action humanitaire entreprise par Amnesty, qui agit partout, dans tous les pays, sans esprit politique et confessionnel. »

Discuter directement avec les autorités

Les membres d'Amnesty participent activement aux campagnes pour les trois prisonniers du mois. Ces trois cas sont déjà pris en charge par un groupe, mais, leur situation étant jugée particulièrement inquiétante, une vaste campagne de lettres est organisée. Chaque membre va écrire aux autorités compétentes du pays concerné (gouvernements, ambassades) et demander la libération immédiate du prisonnier d'opinion. L'effet recherché est simple : accumuler des lettres provenant du monde entier. Il n'est pas rare que les chercheurs de Londres, au cours de leur mission à l'étranger, découvrent dans les ambassades des paquets de lettres d'Amnesty International. À l'époque où il présidait Amnesty, le Chilien José Zalaquett racontait que, au cours d'une mission en Afrique, les autorités lui montrèrent un paquet de 4 000 lettres adressées seulement par la section française. Ces lettres permettent parfois d'amorcer une discussion directe avec les autorités. En Ouganda, par exemple, lors d'une mission, le gouvernement a déclaré qu'il était prêt à adopter certaines mesures suggérées, telles la ratification d'instruments internationaux de protection des droits de l'homme. Il a été convenu que le dialogue entre Amnesty International et le gouvernement ougandais se poursuivrait.

Un prisonnier pris en charge par Amnesty ne retombe jamais dans l'oubli jusqu'à sa libération. S'il est difficile d'apprécier avec exactitude l'effet produit par les lettres, bien des témoignages permettent de prendre conscience de leur intérêt. « Je n'imaginais pas que vous aviez tant d'amis dans le monde », déclarait un militaire sud-américain à un prisonnier. Enfin libérés, des hommes et des femmes ont pu décrire ce qu'ils avaient vécu et parlé des messages qui leur étaient parvenus :

Mohamed Naji Chaari de Tunis, le 1er janvier 1986 : « Ces cartes que je recevais régulièrement dans ma cellule, il y a bientôt huit ans, et plus particulièrement les tiennes, ont fait renaître en moi l'espoir de la liberté que j'avais failli perdre. »