Il est très improbable que cette situation soit radicalement bouleversée au cours des prochaines années. Les données géologiques disponibles et l'expérience ont en effet montré que les possibilités de nouvelles découvertes pétrolières sont bien plus importantes dans les pays de l'OPEP et dans certaines autres zones du tiers monde que dans les pays industrialisés, et que c'est dans les premiers que les coûts de découverte sont, dans un rapport moyen de 1 à 6, les moins élevés.

En dépit des dépenses considérables engagées pour l'exploration et le développement pétroliers dans des pays de l'OCDE (off shore profond, huiles lourdes, récupération, etc.), les réserves pétrolières de cette zone déclinent. Pourtant, 80 % environ des dépenses d'exploration pétrolière continuent à être concentrées dans les pays développés, soit près de 60 milliards de dollars par an, contre 13 milliards de dollars dans les PVD exportateurs de pétrole et 5 milliards de dollars seulement dans les PVD non exportateurs. Sur les 20 800 puits forés en 1981, année record pour l'activité de forage dans le monde (pays à économie planifiée exclus), 19 000 l'ont été dans les pays industrialisés (dont 18 300 en Amérique du Nord) contre 1 100 dans les PVD exportateurs de pétrole et 700 seulement (3 % du total) dans les PVD non exportateurs.

Ces écarts sont d'autant plus impressionnants qu'au cours de la période 1972-1981, les découvertes de pétrole et de gaz (exprimées en équivalent pétrole) ont atteint 52,6 Mbarils par puits foré dans les PVD exportateurs de pétrole, 5,2 M dans les PVD non exportateurs et 0,7 million seulement dans les pays industrialisés.

Une autre constatation significative est que, en dépit de la forte concentration des investissements d'exploration dans les pays industrialisés, les réserves pétrolières prouvées ont, depuis 1972, baissé d'environ 25 % aux États-Unis et en Union soviétique et de 5 % en Europe occidentale, alors qu'elles ont augmenté dans un grand nombre de PVD.

Ces indications confirment bien que l'équilibre du marché pétrolier mondial s'oriente rapidement vers une dépendance accrue, à partir des années 90, des pays industrialisés et de nombreux pays du tiers monde vis-à-vis de l'OPEP. La vulnérabilité des consommateurs à de nouvelles interruptions d'approvisionnement dans les années 90 dépendra en grande partie de ce qu'ils feront dans les dix prochaines années pour établir les relations qui s'imposent avec les pays de l'OPEP.

Il n'est pas difficile de déduire que cette dépendance, si elle s'instaure, sera réciproque. L'expérience, depuis 1973, le démontre et nécessitera une action commune fondée sur l'harmonisation des intérêts. Intérêts des consommateurs soucieux, à juste titre, d'assurer la sécurité de leurs approvisionnements, et intérêts non moins légitimes des pays du tiers monde exportateurs de pétrole, souhaitant utiliser le pétrole et ses revenus pour développer leurs économies fragilisées par la crise.

1985 : Les compagnies pétrolières modifient radicalement leurs stratégies

Depuis plusieurs années, la stratégie globale des compagnies pétrolières paraît relativement simple et peut se résumer ainsi : concentration des efforts sur le développement des ressources propres en pétrole brut, particulièrement sur l'exploration et le développement des zones où le risque politique (ou plus précisément celui d'une expropriation) semble a priori faible et où l'initiative de l'exploration et de la commercialisation est laissée aux opérateurs. Avec comme résultat les développements prioritaires dans les pays ne faisant pas partie de l'OPEP, même si les coûts de production y sont considérablement plus élevés qu'au Moyen-Orient. La différence entre ces coûts et les prix du marché, lorsque les fiscalités ne sont pas trop lourdes, assure une marge bénéficiaire suffisante pour justifier l'engagement.

Les compagnies se sont également intéressées au développement d'autres sources énergétiques que le pétrole. Cependant, au fur et à mesure que les prix ont baissé, certaines filières ont perdu de leur intérêt. On l'a vu avec le pétrole synthétique, certains procédés de récupération assistée, ainsi que les schistes et les sables bitumeux, qui ont subi de sérieux coups de frein, voire des abandons. Aussi, depuis 1984, et même 1983, s'esquisse une nouvelle approche de l'avenir.