Les enfants de France devraient donc désormais être tous exactement désirés. Par leur mère surtout, puisque la jurisprudence confirme que la femme majeure est seule juge de la décision de recourir à l'IVG. Quoi qu'en pense le mari ! Les juges ne sont pas allés jusqu'à imposer aux médecins des réparations en cas d'IVG « ratée », mais ils ont exigé qu'après stérilisation ou IVG la femme soit mise au courant précisément des risques d'échec, pour faibles qu'ils soient. En outre, des sanctions disciplinaires et pénales ont été prises contre des médecins coupables d'avoir interprété « largement » la loi et d'avoir procédé à des IVG dans des conditions interdites. Du côté de l'Église enfin, l'avortement reste un des sept derniers cas d'excommunication automatique prévus par le nouveau droit canon.

Mais ces problèmes étaient sans doute trop simples. Pour tout arranger, à la frontière de l'avortement et de la contraception, voici la contragestion et le RU 486. Cette antiprogestérone, due aux Laboratoires Roussel-Uclaf, est-elle un moyen de contraception tardive ou d'avortement précoce ? 1985 n'aura pas été l'année de sa commercialisation ; des essais sont encore nécessaires. Mais cela viendra : ce sera alors à chaque femme de résoudre seule son problème moral.

Des enfants par la science

Assez logiquement, le désir de ne procréer que si l'on veut s'est accompagné de la volonté de procréer même si l'on ne peut pas. Les bébés-éprouvettes sous toutes leurs formes sont de véritables vedettes médiatiques depuis la naissance de leur aînée, Louise Brown, en 1978.

Pourtant, ce problème concerne en fait une population peu importante (3 à 5 % des Français seulement seraient stériles). L'enfant, de plus en plus rare dans notre société, deviendrait-il de plus en plus cher à nos yeux ? Dans l'impossibilité de guérir à proprement parler bon nombre de stérilités, nous nous sommes tournés vers des techniques de plus en plus artificielles, menaçant de nous conduire au « Meilleur des mondes » de Huxley. Avoir des enfants après sa mort, faire porter son enfant par une autre, chimères d'hier, réalités tangibles d'aujourd'hui.

Schématiquement, quatre « façons modernes d'avoir des enfants » peuvent être dénombrées : l'insémination artificielle, la fécondation in vitro, le don d'ovocyte, la mère porteuse.

– L'insémination artificielle avec donneur (IAD). Cette intervention diffère de l'insémination artificielle avec le sperme du mari concentré, pour traiter certaines formes de stérilité. Nous n'en sommes plus aux condamnations prononcées contre l'IAD il y a encore trente-six ans, en 1949, par l'Académie des sciences morales et politiques. La congélation du sperme humain, mise au point en 1953, lui a permis un grand développement. En France, c'est en 1973 que sont apparues les premières banques de sperme, dont le premier CECOS (Centre d'étude et de conservation du sperme), au centre hospitalier de Bicêtre. Mais les quelques milliers d'IAD annuelles pratiquées restent très discrètes, peut-être parce que qui dit IAD implique stérilité masculine. Elles n'en posent pas moins une foule de problèmes. Le donneur doit-il être bénévole ou payé ? Sera-t-il sélectionné, et comment ? Pourra-t-on préserver son anonymat ? La femme inséminée devra-t-elle être mariée ? Le mari devra-t-il être mis au courant ? Son accord sera-t-il nécessaire ? Que répondre aux homosexuelles, dont certaines ont réclamé une IAD ? Enfin, qu'en sera-t-il de l'enfant à naître ? Quels seront ses droits à la succession du mari de sa mère ? Comment, à quel âge lui révéler la vérité sur sa conception ?

Les médecins des CECOS, conscients de la difficulté de formuler des règles et de la pluralité des valeurs morales applicables à chaque situation, s'efforcent de naviguer entre les écueils. D'abord, une certitude de stérilité masculine est nécessaire. Il y faut parfois de la patience, une patience mal comprise par nombre de couples. Parfois, l'IAD est demandée en raison d'une affection masculine grave génétiquement transmissible. Faut-il approuver ? Dans tous les cas, la demande n'est définitivement acceptée qu'après un entretien du couple avec un psychiatre. Le donneur, quant à lui, doit être marié (ou vivre en couple), avoir au moins un enfant et agir bénévolement et avec l'accord de sa femme. Il s'agit alors d'un don « de couple à couple ». La Sécurité sociale rembourse – 240 F – la « paillette de sperme anonyme ».