Défense

L'armée à l'heure de l'austérité

Avec la manœuvre Damoclès qui a eu lieu en septembre 1984 en Haute-Marne, l'armée de terre française a cherché à illustrer sur le terrain ce qui aura été la grande affaire de l'année pour elle et, du même coup, pour la Défense nationale. À savoir, une profonde réorganisation de ses forces, imposée par un gouvernement dont les projets, en la matière, sont combattus par l'une des composantes de la majorité, le PCF.

Ces projets sont ambitieux et leur application intervient à un moment où l'institution militaire est invitée à faire des économies budgétaires, à l'instar des autres administrations.

La réorganisation amorcée en 1984 aboutit, dans l'armée de terre, à instaurer trois grands types de forces : un « fer de lance » d'engagés volontaires et de cadres d'activé ; des unités chargées de se porter en direction ou au-delà des frontières, mais sans leur armement nucléaire tactique qui devrait être regroupé sur le sol national ; une défense opérationnelle du territoire, à base de gendarmes et de réservistes, pour la garde des points considérés par l'état-major comme les plus « sensibles » en France.

Professionnalisation

Damoclès aura précisément été l'exercice de l'une des forces qui composent le « fer de lance », c'est-à-dire, pour la première fois dans l'armée de terre française, la brigade aéromobile, forte de ses hélicoptères de combat et de transport, qui donnera naissance, en 1985, à la 4e division aéromobile au sein de la nouvelle Force d'action rapide (FAR), prévue pour intervenir dans les meilleurs délais à l'étranger. Si l'on en croit le général René Imbot, chef d'état-major de l'armée de terre, l'un des objectifs de la réforme est de réunir les engagés volontaires, « qui ne sont pas des prétoriens mais des techniciens du combat », dans des unités professionnalisées ou semi-professionnalisées, de manière que l'armée de terre ait un « fer de lance ». Ainsi, l'état-major a prévu de constituer vingt régiments professionnels et vingt-quatre autres semi-professionnels. Le quart, environ, des formations de combat de l'armée de terre sera, à terme, totalement ou partiellement professionnel, c'est-à-dire composé de cadres de métier (officiers et sous-officiers) et d'engagés sous contrat.

En privé, les états-majors expliquent que, pour des conflits limités, tout spécialement hors d'Europe, susceptibles de grignoter les intérêts français, il faut faire appel à des soldats de métier, qui ont l'avantage de servir, sans hésitations ni murmures, les desseins du gouvernement à l'extérieur.

« Toutes les armes et tous les services, a encore précisé le général Imbot, seront représentés au sein des unités professionnelles, qui seront, d'autre part, implantées sur l'ensemble du territoire national. » Concrètement, cela veut dire que les unités professionnalisées ne se limiteront plus, pour l'essentiel, aux parachutistes, aux légionnaires et aux marsouins ou bigors de l'infanterie ou artillerie de marine.

Pour y parvenir, l'armée de terre fera appel à deux recrutements différents, mais complémentaires : d'une part, un service dit « long » (jusqu'à vingt-quatre mois) pour des appelés du contingent volontaires, qui occuperont certains emplois ou postes à responsabilité technique ; d'autre part, l'engagement, en 1984 et 1985, de 5 500 volontaires supplémentaires, qui serviront sous contrat comme militaires du rang (petits gradés et soldats). Les premiers devraient être, à terme, 19 000 et les seconds devraient se compter au nombre total de 35 000.

« Lorsqu'il s'agit de sauvegarder les intérêts limités de la France ou de répondre aux appels individuels qui lui sont lancés, il n'est pas possible, considère le général Imbot, de compter uniquement sur une armée de conscription qui, par essence, relève du concept de la nation en arme levée pour sauvegarder l'ultime intérêt vital. » En redéployant ses unités de métier, le gouvernement se donne le moyen d'éviter d avoir à demander l'autorisation du Parlement avant d'engager des forces sur des « secteurs chauds » des théâtres extérieurs.

Le projet FAR

Parmi ces forces, la FAR, qui regroupera, selon le ministre de la Défense, Charles Hernu, cinq divisions jusqu'ici éparses dans le dispositif militaire existant.