Confiée au général Gilbert Forray, la FAR réunira, avant juillet 1985, la 11e division parachutiste (à Pau), la 9e division d'infanterie de marine (à Nantes), la 27e division alpine (à Grenoble), la 6e division légère blindée (a Nîmes) et la 4e division aéromobile (à Nancy). Soit, au total, de l'ordre de 47 000 hommes spécialisés dans la lutte antichar en Europe et dans l'intervention outre-mer, au service d'États qui ont signé des accords de défense avec la France. De cette grande unité, le ministre de la Défense dira, lors de la manœuvre Damoclès à laquelle il a assisté le 14 septembre 1984, que « c'est une innovation stratégique capitale » ou encore « l'événement le plus considérable de ces dernières années en ce qui concerne les systèmes de défense des États européens ».

L'appréciation n'est pas mince. Pour autant, cette innovation n'est pas du goût du PCF, qui, de surcroît, s'en prend à la politique de « professionnalisation » des armées de Charles Hernu.

C'est, d'abord, le secrétaire général du PCF, M. Georges Marchais, qui n'hésite pas à condamner, dès février 1984, ce qui lui paraît être une « dérive » dangereuse de la doctrine socialiste par rapport à la conscription inspirée de Jaurès. M. Marchais lance un avertissement au gouvernement contre « le risque d'un glissement accentué » vers une armée de métier.

C'est, ensuite, le quotidien du PCF qui, à deux reprises en septembre 1984, critique la création de la FAR. Suspectée d'être « une force inquiétante », la FAR est, écrit l'Humanité, « susceptible d'être envoyée aux avant-postes de l'OTAN, au contact des pays membres du pacte de Varsovie ». « Il serait surprenant, ajoute le quotidien communiste, que ces pays ne ressentent pas cette initiative française comme une menace supplémentaire. »

Le rôle de la gendarmerie

En revanche, le projet d'une nouvelle organisation de la DOT ne soulève pas les mêmes passions dans les sphères politiques, bien qu'elle soit aussi importante. La défense opérationnelle du territoire, ou DOT, est la lutte contre des éléments adverses infiltrés, qui s'en prendraient à des points « sensibles » (centrales nucléaires, nœuds de communications, équipements publics, PTT ou radio-télévision).

La DOT était jusqu'à présent une mission confiée à l'armée de terre, qui devra, désormais, la partager avec la gendarmerie. « Il est bien connu, a expliqué Charles Hernu, que les forces d'activé sont jusqu'ici écartelées entre deux missions contradictoires : la nécessité de se déployer très vite en direction ou au-delà de nos frontières et la nécessité, tout aussi impérieuse, de garder les points sensibles vitaux jusqu'à l'achèvement de la mise sur pied des unités mobilisées. C'est pourquoi, la gendarmerie, qui doit se militariser partiellement, sera notamment chargée d'assurer à l'avenir les missions de surveillance, de protection des points sensibles et de réduction éventuelle des éléments infiltrés. »

Pour cela, la gendarmerie fera appel à 18 000 réservistes de l'armée de terre, recrutés dans le personnel même des installations à défendre ou parmi les habitants les plus proches.

C'est donc un profond remaniement qui est proposé. Le chef de l'État, lui-même, François Mitterrand, est intervenu dans ce débat en faisant remarquer aux chefs militaires qu'il fallait désormais se poser la question de l'intérêt du service militaire dans un tel contexte de réforme. S'adressant aux armées, le 5 janvier 1984, le président de la République a déclaré : « Il faudra que nous examinions de près l'exacte utilité du service militaire. Il faudra que l'on sache exactement en quoi il correspond à une instruction nécessaire et aux besoins. »

Service militaire et austérité

Le propos présidentiel n'est, certes, pas passé inaperçu à l'époque. Et d'aucuns l'ont, peut-être trop rapidement, interprété comme un rappel de F. Mitterrand de ses propositions de réduire la durée du service à six mois lorsqu'il fut candidat aux élections présidentielles de mai 1981. En septembre 1984, cependant, le ministre de la Défense a confié à des députés en commission de la Défense au Palais-Bourbon que « plus on réduisait la durée du service et plus cela revenait cher ».