Le 27 juillet, la Pravda publie une nouvelle attaque contre le « revanchisme » en Allemagne de l'Ouest, assortie d'une première mise en garde à E. Honecker contre les « concessions de principe » que Bonn chercherait à obtenir « concernant la souveraineté d'État de la RDA ». Le 2 août, le quotidien du parti soviétique revient à la charge en accusant Bonn d'« exploiter ses rapports économiques avec la RDA pour s'ingérer dans les affaires souveraines de la République et ronger petit à petit les bases de son régime socialiste ».

Malgré une réponse sur le même ton de la presse est-allemande, qui, fait nouveau, confirme la volonté de Berlin-Est de maintenir ses relations avec Bonn et de limiter les conséquences négatives de la tension due à l'affaire des euromissiles, Moscou obtiendra, le 4 septembre, l'annulation de la visite d'Erich Honecker en RFA et, quelques jours après, le report du voyage que Todor Jivkov, chef d'État bulgare, devait faire dans le même pays.

Le début du réchauffement

Ces événements marquent le point culminant de la glaciation Est-Ouest. Mais un assouplissement dans la position soviétique se produit peu après. À partir de septembre, les dirigeants soviétiques se convainquent de la solidité de la position de Ronald Reagan, qui, en effet, sera réélu triomphalement président des États-Unis en novembre. Le Kremlin veut par ailleurs freiner par tous les moyens le programme de défense stratégique lancé en 1983 par le président américain, qui vise à ériger, contre une éventuelle attaque de missiles, une barrière de protection recourant à des moyens technologiques nouveaux (armes à énergie dirigée, notamment) notoirement hors d'atteinte des laboratoires soviétiques malgré les efforts importants que ceux-ci ont déployés pendant les années 70.

Une première offre de négociation, presque aussitôt retirée, est faite en juin par la direction soviétique. Mais, dès septembre, Andrei Gromyko a accepté, à l'occasion de son séjour à New York pour l'Assemblée générale de l'ONU, de faire le voyage de Washington pour rencontrer Ronald Reagan. En octobre, Constantin Tchernenko, revenu sur le devant de la scène après une longue maladie, accorde au Washington Post un entretien au cours duquel il analyse les relations soviéto-américaines sur un ton nettement plus modéré que par le passé. Et le chef du parti et de l'État soviétique n'attend guère plus d'une semaine après les élections américaines de novembre pour demander à R. Reagan la reprise des négociations sur les armements.

Sans le dire, la direction soviétique accepte l'offre américaine de substituer au dialogue interrompu en 1983 une nouvelle négociation globale — dite encore « parapluie » — permettant de traiter ensemble les armements défensifs et offensifs, les moyens nucléaires intercontinentaux et à moyenne portée. Le rendez-vous que George Shultz, secrétaire d'État américain, et Andrei Gromyko prennent pour les 7 et 8 janvier à Genève doit marquer le début de cette nouvelle négociation.

L'avenir de la politique soviétique dépendra des résultats de ce dialogue, mais celui-ci exigera de difficiles décisions et par conséquent une direction politique ferme. Ce n'est pas encore le cas, alors que la disparition progressive des dignitaires du Politburo brejnévien accentue la vacance du pouvoir et crée les conditions d'une lutte particulièrement âpre pour la succession non seulement d'un homme, mais d'une génération tout entière.

Michel Tatu