Les partis de l'opposition se sont prononcés clairement pour un désengagement radical : privatisation de deux des trois chaînes de télévision publique et de la plupart des radios à vocation nationale, privatisation aussi de l'agence Havas... Un repli qui équivaut à un virage à 180° après les longues années du monopole, mais qui a tout de même très peu de chances d'être totalement réalisé, en cas de victoire électorale.

L'approche des échéances mettra en tout cas la communication au centre des interrogations et des discussions de 1985, en raison tant de ce développement rapide des médias que de l'importance prise par les modes de communication politique et sociale, dont le président de la République et son nouveau Premier ministre, Laurent Fabius, ont pris très nettement conscience en 1984. La façon dont sera conduit le débat politique sur les chaînes de télévision publique, en particulier, sera décisive pour la nouvelle institution qui a désormais la charge de veiller au respect du pluralisme, la Haute Autorité de la communication audiovisuelle. Secoués à l'automne par les remous créés par la nomination de Jean-Claude Héberlé à Antenne 2 et par le droit de réplique au Premier ministre sur TF1, les neuf sages devront faire à nouveau la preuve de leur... autorité.

Yves Agnès

Impôts : trop c'est trop

Avec la préparation du budget pour 1985 et les débats qui accompagnent les premières directives commence l'heure des révisions déchirantes. Avant leur arrivée aux affaires, les dirigeants socialistes se réclamaient toujours de la tradition interventionniste au plan économique et redistributrice au niveau social. Après trois années, à l'initiative du président de la République, la marche arrière est résolument engagée.

Depuis le début du septennat, la part des prélèvements obligatoires n'a cessé d'augmenter. En 1983, elle dépassait pour la première fois le seuil psychologique des 43 % du produit intérieur brut. Deux raisons expliquent ce glissement. D'abord, cette conception redistributrice résumée dans la formule de l'ancien ministre de la Solidarité nationale, Nicole Questiaux : « je ne serai pas le ministre des Comptes ».

Mais c'est sans doute le poids de la réalité économique et sociale qui s'est fait le plus sentir. Le chômage fait peser sur les épaules des actifs des charges de plus en plus lourdes. Cent mille chômeurs en plus, c'est, selon le commissariat du Plan, quatre milliards de francs en cotisations en moins pour la Sécurité sociale. Et environ sept milliards de surcoût pour le régime d'indemnisation du chômage.

La pause

Il n'en demeure pas moins que malgré ces impondérables — ou peut-être à cause d'eux —, les pouvoirs publics ont fini par faire droit à ceux qui, à l'image du président du CNPF, Yvon Gattaz, estimaient qu'il fallait engager un processus de désinflation des prélèvements. Ainsi, au printemps 1984, une commission mixte patronat-administration entreprend de mesurer avec précision le niveau des charges auxquelles sont soumises les entreprises. Aucun accord ne pourra intervenir sur les chiffres. Mais le constat patronal sur l'importance de ces charges sera, dans une large mesure, repris par les pouvoirs publics.

De fait, avant même que ne soit réunie cette commission, plusieurs mesures avaient été prises pour ne pas alourdir les finances des entreprises. C'est notamment le cas du prélèvement exceptionnel de 1 % sur le revenu destiné à la Sécurité sociale qui visait à transférer sur les particuliers une part du financement des dépenses sociales ordinairement assumée par les entreprises.

Cette campagne de sensibilisation a donc porté ses fruits. Est-elle intervenue trop tôt ou trop tard ? Il apparaît que la gauche redistributrice a moins augmenté les prélèvements obligatoires durant les trois premières années de son septennat que ne l'avait fait la droite libérale pendant les trois dernières années passées au pouvoir. En trois ans, la pression fiscale avait augmenté de 1,3 point sous Raymond Barre. Sous Pierre Mauroy, cet accroissement s'est limité, pendant le même laps de temps, à 0,3 point. L'augmentation des cotisations sociales traduit aussi cette différence : 1,7 point contre 1,1.