Le chef de l'État enregistre cependant deux satisfactions politiques : le congrès socialiste de Bourg-en-Bresse qui se déroule du 28 au 30 octobre consolide l'autorité des mitterrandistes, auxquels le ralliement des amis de Pierre Mauroy et Michel Rocard permettent d'atteindre 77 % des suffrages du parti. Le CERES (18 %) et les néorocardiens (5 %) doivent accepter une synthèse générale. Le PS est bien devenu le parti du président. Lionel Jospin, fidèle de François Mitterrand, s'est affirmé dans son rôle de leader. De même la rencontre au sommet PC-PS du 1er décembre constitue-t-elle un renforcement au moins provisoire de la cohésion majoritaire. Le petit mouvement des radicaux de gauche s'est doté avec Jean-Michel Baylet d'un nouveau président tout prêt à une ouverture vers le centre discrètement souhaitée par l'Élysée. Le parti communiste, partenaire autrement important, n'entend visiblement pas rompre. Avant le sommet, il a mis une sourdine à ses griefs internationaux. Au cours de la rencontre, il proteste de sa fidélité à l'union. Propos qui ne garantissent pas l'avenir mais simplifient le présent.

Dans l'opposition, Jacques Chirac, maître absolu du RPR, choisit de tempérer son ton et d'arrondir son image. Il se tient désormais en relations presque régulières avec Valéry Giscard d'Estaing, rencontre Raymond Barre, voit Jean Lecanuet. Il ne parle plus d'élections anticipées, admet même (comme Valéry Giscard d'Estaing, mais contrairement à Raymond Barre) l'hypothèse d'une cohabitation entre une majorité de droite issue des élections législatives de 1986 et François Mitterrand. Il piétine dans les sondages, mais il occupe cependant la première place des « trois cavaliers » de l'opposition. Il est cependant préoccupé par l'ascension, tout au long de l'année 1983, de Raymond Barre dans les cotes d'opinion. Son successeur à Matignon réussit bien en effet auprès des milieux économiques et des classes moyennes et rencontre une audience croissante, sans parvenir cependant à séduire les gros bataillons de salariés. Simone Veil, qui possède l'image la plus centriste, se prépare à jouer la carte des élections européennes et affirme nettement sa préférence pour une liste unique qu'elle mènerait. Quant à Valéry Giscard d'Estaing, plus en retrait en 1983, il reste fort influent à l'UDF. Son ami Jean Lecanuet en a été reconduit président pour deux nouvelles années. (Au petit parti radical valoisien, c'est cependant le barriste André Rossinot, député-maire de Nancy, qui devient président de la plus vieille formation de France.) L'ancien chef de l'État, qui prépare un livre de propositions, commence à populariser le thème du « libéralisme social » et reprend sans se lasser son bâton de pèlerin du consensus — rassemblement de deux Français sur trois autour de thèmes conviviaux.

En somme, fin 1983, la majorité s'est plus affaiblie que l'opposition n'a progressé. Sur le plan électoral, la droite apparaît certes potentiellement plus forte que la gauche. Mais aucun de ses leaders ne se détache du peloton. François Mitterrand, qui voit bien sa majorité érodée par la rigueur et entamée par des divergences internes, réplique classiquement et adroitement par une très perceptible présidentialisation du pouvoir. Il s'appuie sur son autorité internationale, apanage du chef de l'État dont il a su user, il n'ignore pas que l'évolution économique le dessert et que les perspectives de 1984, notamment, paraissent fort préoccupantes. Mais il s'attache à incarner l'autorité. Avec deux interrogations néanmoins lancinantes : la symbolique présidentielle de l'unité est-elle compatible avec la radicalisation du débat politique ? Le parti communiste, diminué et mécontent du nouveau cours économique autant que des orientations internationales, constitue-t-il un partenaire durable ?

Portraits
Alain Carignon le « tombeur » de Dubedout à Grenoble

Comment aurait-on pu prévoir, au début de la campagne des municipales, que ce jeune conseiller général RPR enlèverait aussi facilement la mairie de Grenoble au socialiste Hubert Dubedout, incarnation, pendant bien des années, d'une gauche moderne, dynamique et efficace ? Et pourtant, Alain Carignon a obtenu 54,01 % des suffrages, un beau score ! Fils d'un journaliste du Dauphiné libéré, il fut mordu très tôt par le virus de la politique puisqu'il avait déjà tenté sa chance aux élections municipales de 1971 (il n'avait alors que 22 ans). Il a fait ensuite carrière à la Chambre de commerce et d'industrie de Grenoble et en est devenu le directeur général adjoint. Sa campagne pour les municipales, de style « bulldozer », a inclus un grand goûter offert aux personnes âgées avec la participation de Line Renaud. Succès assuré. La preuve !

Marie-Jo Dupin le plus jeune maire

Cette grande jeune fille mince, qui est surveillante dans un CES et qui a l'air d'une étudiante avec son visage sérieux chaussé de petites lunettes, est, à vingt et un ans, le plus jeune maire de France. Marie-Josèphe Dupin, dite Marie-Jo, a été élue en mars 1983 premier magistrat de Sainte-Agathe-en-Donzy, un tout petit village de la Loire (124 habitants !), situé à 700 m d'altitude. Elle prend ses fonctions très au sérieux : fille d'anciens tisserands du pays, titulaire d'un BTS de tourisme, elle voudrait créer des gîtes ruraux pour faire venir des vacanciers dans sa région, à laquelle elle est très attachée. Mademoiselle le Maire espère bien que les problèmes de la commune ne l'empêcheront pas de continuer à effectuer, chaque dimanche, de grandes randonnées pédestres aux alentours.

Jean-Claude Gaudin le rival de G. Defferre

Député depuis 1978 de la 2e circonscription des Bouches-du-Rhône, président du groupe UDF de l'Assemblée nationale depuis juillet 1981, Jean-Claude Gaudin était peu connu des foules jusqu'au début de l'année 1983.