Mais le conflit dans lequel l'intervention de la France prend la dimension la plus spectaculaire est celui du Liban. François Mitterrand a accepté la participation de l'armée française à la force multinationale d'interposition stationnée à Beyrouth et censée garantir la solidité vacillante de l'État légal libanais et la sécurité des Beyrouthins. En fait, la violence ne cesse de monter tout au long de l'année. Le 23 octobre, deux attentats-suicides particulièrement sanglants font plus de 200 morts chez les « marines » américains et tuent 58 « soldats de la paix » français. Quelques semaines plus tard, Paris riposte par un raid aérien de représailles contre les milices irano-chiites tenues pour coupables du massacre. L'affaire émeut toute la France. Les représailles, pourtant mal expliquées, sont bien accueillies par l'opinion, les sondages en témoignent. L'opposition — favorable au principe de la sanction — en critique les modalités. Le PCF exprime une fois de plus ses réserves. En revanche, lorsque Paris intervient pour faciliter un échange de prisonniers entre Israéliens et Palestiniens, chacun acquiesce.

Un bilan positif

En somme, cette « année de tous les dangers », encore embrouillée sur sa fin par l'état de santé alarmant du numéro un soviétique Andropov, voit une France active. François Mitterrand se rend également en Chine et reçoit — grande première — le président algérien Chadli à Paris. Le chef de l'État mène une politique étrangère personnelle. L'accueil favorable qu'elle reçoit dans l'opposition s'explique aisément : en période de troubles, le président socialiste montre de la fermeté et n'est pas, sur l'essentiel, avare de solidarité occidentale. Cela complique en revanche ses relations avec le PC. Reste que, sur ce point-là, le bilan apparaît globalement positif pour François Mitterrand : la mauvaise humeur du PCF le sert plutôt, son autorité entamée auprès de l'opinion se relève.

Un second souffle pour faire face aux difficultés intérieures

Si le chef de l'État a pu raffermir son autorité personnelle par son action internationale et la présentation qu'il a parfois su en donner, les traverses internes affaiblissent en revanche la gauche. Celle-ci, en effet, paie lourdement le prix électoral de sa politique de rigueur. Sa popularité s'affaisse, les divisions renaissent en son sein. En janvier 1983, depuis sa résidence de Latché (dans les Landes), le chef de l'État avait exprimé à la télévision a volonté de « restituer l'harmonie au corps social français ». Cet objectif, il ne l'atteindra pas en 1983. L'austérité socialiste redouble en effet et ses fruits paraissent acides aux Français. La gauche est mal à l'aise dans cet exercice qu'elle n'avait pas prévu et qu'elle n'aime pas. Cela se sent aussi dans la conduite des affaires.

Inflation
Le recul ?

Au second trimestre 1983, dans tous les pays industrialisés, le taux de progression annuel est, selon les chiffres du FMI, tombé à 5 % contre 5,5 % au premier trimestre et 7,9 % au deuxième trimestre 1982. Mesurée sur douze mois, l'avance des prix de détail s'est ralentie par rapport au printemps dans tous les grands pays, notamment en Italie et en Belgique. Dans quatre pays (Allemagne, Pays-Bas, États-Unis et Japon), l'inflation est passée sous la barre des 3 % en rythme annuel.

Faux pas

Ainsi, dès le mois de janvier, le ministre des Finances Jacques Delors annonce-t-il une baisse des taux d'intérêt sur les livrets de caisse d'épargne que Pierre Mauroy se hâte de démentir. De même, deux mois plus tard, le gouvernement cède, devant la grève des mineurs de Carmaux qui veulent conserver leur emploi dans un bassin déficitaire. En fait, les principaux conflits se situent surtout — en ce début d'année — dans le secteur automobile, et notamment chez Citroën-Aulnay, où la CGT mène la vie dure aux dirigeants d'une firme en difficulté. Des révélations du Canard enchaîné jettent le doute sur les statistiques officielles du chômage. Les cadres s'estiment désavantagés par l'accord sur la retraite complémentaire dès 60 ans, négocié entre le CNPF et les syndicats et ratifié sous les auspices de l'État.

Nouveau plan de rigueur

Edmond Maire, toujours direct, toujours hardi, a fait scandale en en évoquant l'hypothèse dès janvier au sortir d'une entrevue avec le chef de l'État. Le gouvernement a démenti, mais Michel Rocard, le ministre du Plan, a, dans une interview à l'Expansion, admis à son tour qu'il faut dire la vérité devant les échéances difficiles et qu'une baisse du pouvoir d'achat ne peut être écartée. C'est en mars que la nouvelle éclate après un week-end électrique des ministres des Finances des Dix à Bruxelles. Le nouveau réajustement monétaire européen creuse de 8 % la distance avec notre principal partenaire. La France demeure au sein du SME, mais sa monnaie est affaiblie. Un plan d'accompagnement financier draconien doit être mis en place. Des mesures énergiques sont adoptées. Cette fois, bien davantage encore qu'en juin 1982, c'est l'heure de la rigueur socialiste qui sonne et qui modifie largement le paysage politique. Un vaste remaniement ministériel intervient, le plus important depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir.