Celle-ci, après avoir réclamé par deux fois et obtenu quelques assouplissements à la nouvelle loi sur l'état de crise, affirme en août la nécessité de tenir compte des accords passés à Gdansk. Peine perdue. Après la libération discrète de quelques prisonniers politiques c'est le cortège habituel de matraquages et d'interpellations, lorsque des dizaines de milliers de Polonais célèbrent le 31 août. Ripostant durement devant 150 000 paysans rassemblés à Czestochowa, Mgr Glemp dénonce les pratiques du régime, le menaçant, s'il persiste, de ne pouvoir rassembler les 2 milliards de dollars (à collecter par les épiscopats occidentaux) prévus pour le Fonds d'aide à l'agriculture privée.

Ainsi, de son propre fait, le gouvernement s'enfonce-t-il dans l'isolement. Les nouveaux syndicats institués en octobre 1982 sont inexistants. À raison d'un par entreprise, ils devraient être 60 000 et ne sont que 6 500 si l'on inclut ceux en voie de formation. Au total, 325 000 syndiqués dans une Pologne qui a compté dix millions d'adhérents à Solidarité. Et ce ne sont pas les dix ans de prison (ramenés à cinq) infligés au syndicaliste Edmund Baluka pour « complot contre l'État » qui ramèneront la confiance. Pas plus que les purges pratiquées dans les milieux artistiques, intellectuels ou syndicalistes : mise à l'écart du cinéaste A. Wajda ; suspension de l'association des écrivains ; instruction interminable contre le groupe contestataire KOR ; et, bien sûr, campagne incessante contre Lech Walesa, qualifié par la presse de Varsovie de « Yankee de Gdansk » et accusé d'avoir touché plus de 1 million de dollars des États-Unis.

La même crispation se manifeste dans les relations avec l'étranger : refus de laisser le Bureau international du travail réaliser une enquête sur la vie syndicale polonaise ; dénonciation de la politique « pro-américaine » de Paris et refus de prendre en compte les intercessions du Quai d'Orsay en faveur d'ex-dirigeants de Solidarité ; vague d'expulsions de journalistes étrangers.

Décoré en juillet de l'ordre de Lénine, le général Jaruzelski espère-t-il, par cette attitude, gagner du temps auprès de Moscou ?

Michel Lemarchand

Portugal

Le retour de Mario Soares

Voilà donc Mario Soares revenu au pouvoir après la victoire du parti socialiste aux élections législatives du 25 avril. Victoire sans joie, obtenue avec seulement 37,3 % des suffrages, dans un paysage politique qui n'a guère changé depuis le premier passage du leader du PS au pouvoir de 1976 à 1978, et avec le même président de la République qui le démit de ses fonctions, le général Eanes. En outre, les élections anticipées, provoquées par l'effondrement de l'Alliance démocratique — coalition de centre droit —, révèlent une situation économique désastreuse : une inflation de 22 %, une dette extérieure de 12,5 milliards de dollars, dont le service absorbe 23 % des recettes des exportations.

Maussade

Au soir du 25 avril, 8e anniversaire de la révolution des œillets, Soares commente : « Nous avons reçu un mandat certain, mais les Portugais savent que le PS ne fera pas un gouvernement tout seul et qu'il faut attendre : la démocratie ne se fera pas précipitamment. » Appelé, le 27 mai, à former le nouveau gouvernement par le président Eanes, Mario Soares va mettre sur pied tant bien que mal un cabinet de centre gauche avec la collaboration du parti social-démocrate, et Carlos Mota Pinto comme vice-Premier ministre et ministre de la Défense.

Des mesures urgentes sont décidées : dévaluation de l'escudo de 12 %, ouverture des secteurs bancaire et des assurances aux investissements privés, accord avec le Fonds monétaire international pour l'octroi d'un crédit de 800 millions de dollars. Néanmoins, la situation sociale ne s'améliore pas, des mouvements de grève se multiplient dans tous les secteurs et, le 7 septembre, la Confédération générale des travailleurs portugais (CGTP) avertit que les travailleurs « n'ont d'autre choix que de s'opposer ouvertement, par des actions de masse » à la politique du gouvernement. Le plus inquiétant demeure la rancune tenace qui oppose le Premier ministre socialiste au président Eanes et à tous les militaires en général. Dès le mois de mai, le chef de l'État se plaint que « les partis politiques ont apporté frustrations et désillusions au peuple ». Quant aux militaires, ils viennent de créer une Association du 25 avril regroupant 1 400 officiers, acteurs nostalgiques de la révolution des œillets.