Le programme gouvernemental annoncé dans le discours du Trône se garde de tout radicalisme et se borne à rappeler les grandes options : réduction des dépenses publiques, privatisation des industries nationalisées et « réforme des syndicats ». Il est néanmoins rapidement évident que, forte de sa nouvelle majorité, Margaret Thatcher veut aller de l'avant. Non seulement en réduisant encore les dépenses du Service de santé ou en procédant à de nouvelles dénationalisations mais en mettant en place des expériences pilotes — dans l'Éducation ou la Sécurité sociale —, préface à un désengagement plus radical de l'État comme partenaire social.

Le courant pacifiste

Un mois après son élection, la nouvelle Chambre engage le 13 juillet un débat sur le rétablissement de la peine de mort, abolie — à titre provisoire, il est vrai — en 1975. Pendant la campagne électorale, Margaret Thatcher s'y était déclarée favorable. Elle laisse néanmoins l'initiative du débat à un député, sir Edward Gardner, et la liberté de vote aux conservateurs. Par 368 voix contre 223, les Communes refusent de revenir sur la décision de 1975. En six votes successifs, les députés excluent la peine de mort, quelles que soient les circonstances. Sur le plan international, Margaret Thatcher reste fidèle à ses positions : acharnée à obtenir de l'Europe les conditions budgétaires qu'elle estime justes, inflexible sur la force nucléaire. Néanmoins, l'installation des 160 missiles de croisière américains en Grande-Bretagne avant la fin de l'année — avec la rupture des négociations de Genève — suscite réserves et oppositions.

Partisans de ce renforcement, les sociaux-démocrates et même certains conservateurs estiment que ces missiles devraient être dotés d'un système de double clef pour garantir un pouvoir de contrôle aux Britanniques. Les travaillistes sont totalement hostiles à leur installation. Les pacifistes, eux, se mobilisent. Fort d'une tradition très ancienne, formé de nombreuses associations qui recrutent leurs membres aussi bien dans les milieux socialistes que religieux, le mouvement retrouve une belle vigueur et multiplie les manifestations tout au long de l'année : des femmes occupent la base de Greenham Common, près de Londres, où doivent être installés les missiles américains ; des marches sont organisées vers le QG de l'OTAN à Northwood.

Au-delà de ces démonstrations non violentes, ce sont également de grandes institutions comme l'Église d'Angleterre et le parti travailliste qui engagent le débat. Un synode exceptionnel, réuni à Londres en février et dont les discussions sont pour la première fois télévisées, se montre partagé. Il refuse d'approuver les termes d'un rapport publié sous le titre L'Église et la bombe, armes nucléaires et conscience chrétienne, qui se prononçait contre tout armement nucléaire, mais condamne le principe de l'utilisation en premier des armes nucléaires. Le parti travailliste, allant au-delà, avait déjà inscrit dans son programme électoral le désarmement nucléaire unilatéral.

Arlette Marchal

Ulster : l'enlisement

La Grande-Bretagne est toujours engluée dans la tourbière nord-irlandaise, ainsi que l'avait prédit en ces termes le brigadier James Glover dans un rapport secret, divulgué par la presse en 1979 : « La campagne de violence de l'IRA provisoire continuera probablement tant que les Britanniques demeureront en Irlande du Nord... Nous ne voyons que peu de chances d'un développement politique qui pourrait miner sérieusement la position de l'IRA. »

De fait, l'Assemblée élue en octobre 1982 à l'initiative du secrétaire d'État à l'Irlande du Nord, James Prior, gaspille son temps en des débats stériles qui reflètent l'impuissance des Britanniques à dégager une solution politique dans le cadre étroit de la province. Le bloc unioniste-loyaliste qui tient le haut du pavé avec 49 sièges n'y a d'autre interlocuteur que les 10 députés du parti interconfessionnel de l'Alliance. Le SDLP catholique modéré, qui redoute à bon droit d'être débordé par le Sinn Fein, paravent politique de l'IRA, s'obstine à bouder une institution dont il sait pertinemment qu'il ne peut rien attendre. Contraints d'utiliser un langage plus musclé, les députés des ghettos catholiques hostiles de l'IRA en appellent à Dublin pour qu'une alternative nationaliste crédible soit proposée sans délai aux différentes parties au conflit. Pour répondre à leurs vœux et soutenir leur fortune chancelante, un Forum pour une nouvelle Irlande, rassemblant les trois principaux partis de la République et le SDLP, se réunit dans la capitale irlandaise le 30 mai. Ses travaux doivent se poursuivre jusqu'à la fin de l'année, voire au-delà.