La puissance financière américaine se fait également sentir dans les galeries d'art et chez les grands antiquaires, trop heureux d'accueillir cette clientèle fortunée alors que les Français hésitent à faire des investissements artistiques et que les acheteurs allemands, suisses, italiens et japonais se font de plus en plus rares.

Dans l'avalanche de records obtenus pour les tableaux modernes, c'est toujours New York qui capte les plus fortes enchères : 27 750 000 F pour un pastel de Degas ; 21 000 000 F pour une baigneuse de Renoir ; 19 000 000 F pour des Nymphéas de Monet ; 15 000 000 F pour une nature morte de Cézanne. Les dix tableaux les plus chers de l'année ont été vendus à New York, où la vente de la collection Havemeyer, le 18 mai, a produit un total de 15 millions de dollars pour 16 tableaux. Autre temps fort de la saison, la vente de la collection du château de Hever, le 5 mai, où l'armure damasquinée du roi de France Henri II a atteint l'enchère record de 1 925 000 livres, soit 22 815 000 F.

Pour les meubles, le record de l'année appartient à un secrétaire Louis XVI, attribué à Weisweiler, vendu 990 000 £ à Londres chez Christie's, soit 11 800 000 F. Toutefois, en fin d'année à Paris, la vente sur ordonnance judiciaire d'un milliardaire libanais a montré avec éclat que les plus beaux meubles d'ébénisterie du xviiie siècle trouvaient toujours preneurs aux plus hauts prix. C'est ainsi qu'un bureau plat d'époque Louis XV mais déjà de style néo-classique a été adjugé 6 500 000 F, prix record pour un meuble à Paris. Deux autres meubles d'époque Louis XVI ont dépassé 1 000 000 F.

Londres
Un financier américain rachète Sotheby's

En difficulté financière depuis plusieurs années, Sotheby's, le numéro un mondial des ventes publiques, est passé sous capitaux américains. Après une offre d'achat d'un groupe financier lié à Knoll International, la direction de Sotheby's a accepté, le 14 septembre 1983, le rachat des titres disponibles sur le marché à 700 pences par M. A. Alfred Taubman, un homme d'affaires américain, qui, en versant un chèque de 83 millions de livres sterling (plus d'un milliard de E), s'est assuré la majorité des actions. Il s'est engagé à maintenir la direction actuelle qui a entrepris un effort de réorganisation et de restructuration, après des années d'expansionnisme et d'investissements.

Les plus hautes enchères

– Portrait de Thévenin par Ingres, mine de plomb et rehaut de gouache blanche sur papier bistre : 1 520 000 F, Drouot, Couturier-Vicolay, 22-III-83.

– Edgar Degas, Danseuse bleue, toile (54 × 50,2 cm) : 3 235 000 F, Sotheby, Londres, 23-III-83.

– Saupoudroir à sucre en argent, attribué à David André, Paris, 1719 (H. 24,5 cm) : 390 000 F, Drouot, Ader-Picard-Tajan, 18-IV-83.

– Pier Mondrian, Composition en rouge, bleu et jaune, toile (51 × 51 cm) : 18 145 000 F, Christie's, Londres, 27-VI-83.

– Pierre Bonnard, L'indolente, toile (87 × 104 cm) : 3 600 000 F, Christie's, Londres, 27-VI-83.

– Boîte à miniature offerte par Louis XV à son cousin le prince de Tingry, œuvre du joailler du roi, Ange Joseph Aubert, ornée d'une miniature signée de Blarenberghe et datée 1768 : 1 275 000 F, Sotheby, Londres, 4-VII-83.

– Secrétaire en laque noire et bronze doré, attribué à Adam Weisweiler, livré pour le cabinet du roi Louis XVI à Versailles : 11 800 000 F, Sotheby, Londres, 8-VII-83.

– Tête en pierre représentant l'empereur Auguste, sculpture romaine de la fin du ier s. av. J.-C. : 3 800 000 F, Christie's, Londres, 13-VII-83.

– Manuscrit à enluminures fin xiie siècle ; environ 100 millions de F, Sotheby's, Londres, 6-XII-83.

Un style chasse l'autre

Toujours en quête de nouveaux champs de recherche à défricher, les professionnels du marché de l'art commencent à redécouvrir les styles hétéroclites qui ont succédé à l'Art déco. Et l'on a vu le style des années 50 faire son entrée au Nouveau Drouot, et chez Sotheby à Monte-Carlo : des sculptures en grès, des bijoux, des luminaires, des meubles et des sièges en tubes chromés ornés de fils plastiques (style scoubidou). Des designers tels que Jean Royère, Jacques Quinet, Guariche, Motte, Mategot, Hittier sont aujourd'hui reconnus et cotés, encore que les prix de leurs créations se tiennent dans les limites encore modestes de 2 000 à 15 000 F. Le temps passe si vite que l'on a même vu, les 24 mars et 6 décembre 1983, Me J.-C. Binoche diriger les premières ventes des années 80 : sculptures en grès de Jacky Coville (5 000 F), vase en opaline de cristal de Van Lith (2 800 F), table Louis XV de Denis Cospen (14 900 F), table en dalle de verre de François Vigorie (25 000 F).

Curiosités

– Canne dite séditieuse, à pommeau en ivoire tourné, à profil de l'Empereur en projection, jonc uni, embout en bronze doré : 5 000 F, Paris, 16-II-83.