Le FIACRE et les FRAC, qui se mettent en place à l'initiative du ministère de la Culture, modifient, souvent à leur insu, le panorama de la France artistique. Le Fonds d'incitation à la création et les Fonds régionaux d'art contemporain ont mission d'aider les artistes, d'attribuer des bourses, de créer des ateliers, d'acheter des œuvres, le premier au plan national, les seconds sur l'ensemble du territoire, mais ceux-ci ne règlent que les questions secondaires. Les projets d'importance doivent être soumis au FIACRE, donc à Paris.

Stimulants

Le FIACRE et les FRAC manquent de moyens. Jalons d'une décentralisation encore mal perçue, ils s'attirent fréquemment de la part des institutions régionales, politiques, élues ou culturelles, plus de réticences que d'enthousiasme. Trop d'équivoques freinent leur action : influences locales, divergences avec les musées, mauvaise perception de leur raison d'être, absence d'équipement ou l'inverse, surévaluation des artistes locaux, pressions en tout genre. Imparfaite et incomplète, l'influence des nouvelles instances régionales n'en est pas moins déterminante. Un dynamisme propre jusque-là à quelques musées, fondations ou associations, à Saint-Étienne, Nice, Lyon, Marseille, Vence, Toulon, Bordeaux, Les Sables-d'Olonne, Évreux..., s'est emparé d'une bonne part du pays qui n'attendait, semble-t-il, que l'occasion.

Dans la mouvance du phénomène sont nés une Biennale d'art contemporain à Tours, un Festival international du livre d'art et d'architecture à Enghien, un nouvel espace artistique au château de la Roche-Jagu, en Bretagne. De Colmar à Bayonne, de Dunkerque à Limoges, les expériences fourmillent. Inégales, sans doute, éphémères aussi, elles lèvent tout de même une certaine réserve qui isolait jusque-là l'art contemporain des grands courants d'attraction culturelle. Les jeunes artistes, nouveaux baroques, nouveaux fauves, ou nouveaux figuratifs, témoignent, eux aussi, d'une vitalité qui ne se réclame plus de Paris, mais de tendances reconnues d'abord dans leur lieu d'origine par des responsables de musées locaux, de galeries, de centres d'action culturelle, de critiques ou de mécènes.

L'ouverture du musée de Dunkerque, la restauration du musée de Nantes, l'installation, à Auxerre et à Vézelay, du legs Zervos, riche d'une quinzaine de Picasso, de trois Léger, de deux Giacometti et de bien d'autres œuvres prestigieuses, la commande, par l'Association Art Prospect, d'œuvres pour 90 villes françaises, la remise à la ville d'Avignon de 12 tableaux spécialement réalisés à la demande de l'Agence Lintas comptent parmi les événements qui émergent d'une multitude de manifestations et d'expositions passionnantes : Patrick Raynaud à Montpellier, Sam Francis, Louis Cane, Max Ernst à la fondation Maeght à Vence, Arman au musée Picasso d'Antibes, Soulages à Colmar, Tapies à l'abbaye de Sénanque, Traquandi à Villeurbanne, Bazelitz à Bordeaux, l'Allemagne des années 80 à Quimper, Rühle à Rennes, Barcelo à Toulouse, Prassinos à Aix-en-Provence.

Les grandes expositions

Le même foisonnement caractérise les grandes expositions. Au Grand Palais à Paris, l'école de La Haye, née, dans la seconde moitié du xixe siècle, de l'amour de quelques peintres pour la poésie nostalgique et grave de la mer du Nord, voisine avec les bambochades et l'éclatante luminosité de Claude Gellée, dit le Lorrain.

Au musée d'Art moderne de la Ville de Paris, la jungle du peintre cubain Wifredo Lam inonde les salles de ses fêtes nocturnes, de ses oiseaux mythiques, de ses monstres et de ses envoûtements. À Saint-Étienne, un aperçu de la mode, du design et de la vie quotidienne de 1957 à 1967 accompagne une rétrospective de l'art en France au cours de la même période. En 1960 justement parut le manifeste du Nouveau Réalisme, qui rassemble Klein, Arman, Dufrêne, Hains, Villéglé, Rotella, Raysse, Spoerri, Tinguely et César, et prêche déjà une nouvelle figuration, la mise en cause de l'objet, l'humour autodestructeur, la parenté de la peinture et de l'affiche, de l'art publicitaire, de la bande dessinée.