Les micro-organismes s'y multiplient ; la vie a pu être implantée sur la Terre, il y a quelques milliards d'années, lors du passage d'une comète. Avec son collaborateur Wickramasinghe, il pense avoir démontré que les courbes d'extinction de la lumière des étoiles par les poussières interstellaires correspondent bien à ce que donnerait la présence, au sein de ces poussières, de cellules bactériennes.

Solitude

C'est à une conclusion toute différente que parvient le mathématicien américain Frank Tipler, en partant d'une hypothèse de travail semblable à celle de Crick : l'existence de civilisations plus anciennes que la nôtre de quelques milliards d'années et possédant une technologie avancée.

Une telle civilisation aurait construit un robot capable de fabriquer des copies de toute machine, y compris de lui-même. (Le mathématicien von Neumann a démontré qu'un tel robot est théoriquement possible ; il pourrait être à la portée de nos informaticiens d'ici quelques décennies.) Expédié dans une sonde sur la planète la plus proche, le robot utilise l'énergie et les matériaux trouvés sur place pour fabriquer d'autres robots et d'autres sondes, expédiés à leur tour sur d'autres planètes. Tipler calcule que 3 millions d'années auraient suffi pour coloniser toute la Galaxie, y compris notre système solaire.

Si nous ne voyons pas ces robots, c'est qu'ils n'existent pas, non plus que les civilisations qui les auraient fabriqués. Notre humanité — comme le soutenait Jacques Monod — est bien seule dans la Galaxie, et probablement dans tout l'Univers.

L'existence éventuelle d'intelligences non terrestres sort du domaine de la fiction pour entrer dans le débat scientifique. Mais trop de paramètres demeurent encore incertains pour que la science puisse aujourd'hui faire plus que cerner les données essentielles du problème.

Médecine

Les rythmes circadiens

La nuit est faite pour dormir, et le jour pour l'éveil. Cette alternance a toujours réglé la vie sur la Terre. Un rythme capital pour les hommes. Nos sociétés l'oublient-elles ?

Ainsi, par le monde, des millions de salariés exercent un métier nocturne. Les compagnies aériennes lancent le gros de leurs long-courriers le soir, comme les transporteurs leurs camions. Même Bison-futé, en France, lors des week-ends chargés ou des vacances, conseille de rouler à la brune. Pour mieux vivre avec son temps.

Quelques médecins s époumonent : « C'est prendre des risques insensés », disent-ils. Le Dr Alain Reinberg, directeur de recherches au CNRS à Paris, use même d'une cocasserie : « Autant obliger les poules à pondre des œufs carrés, sous prétexte que c'est plus commode à stocker. »

Les hommes, eux, continuent de se plier aux exigences de la commodité. Mais c'est vers 4 heures du matin que des pilotes, des contrôleurs aériens s'assoupissent ; que les routes, celles du ciel ou de la terre, se révèlent les plus meurtrières. C'est à 3 heures, le 28 mars 1979, que les techniciens de la centrale nucléaire de Three-Mile-Island, à Harrisburg, États-Unis, ont laissé s'emballer le réacteur. Le Dr Charles Ehret, de Chicago, l'a confirmé. « On ne peut pas demander à n'importe qui de veiller la nuit, a-t-il ajouté. En général, l'organisme se révolte, il perd l'essentiel de ses moyens. »

Pour la première fois, cette année, la médecine consacre trois grands congrès internationaux à l'étude des rythmes biologiques des travailleurs de nuit et des postés : Lille (France, 27-29 mai 1982), Cincinnati (États-Unis, 6-11 juin) et Kyoto (Japon, août 1982). Le temps fait enfin une entrée tonitruante dans la science. Jusqu'à présent, les savants s'efforçaient avant tout de déceler dans quel organe, dans quel tissu, dans quelle cellule se produisait un désordre. Ils voulaient aussi savoir comment survenait ce dérèglement. Maintenant, ils se préoccupent de découvrir quand il a lieu.

La notion de rythmes biologiques fait partie de nos expériences quotidiennes. Le plus évident d'entre eux, le rythme circadien, est ajusté sur la rotation de la Terre. À l'époque de Cro-Magnon, il était de 23 heures. Il est de 24 heures et 7 minutes actuellement. Mais d'autres rythmes humains existent, qui s'étalent sur la semaine, le mois, la saison ou l'année. Certains ne durent qu'une seconde. Il y a des rythmes particuliers pour chacun de nos organes, pour chaque cellule. Le noyau de la cellule, lui-même, vit à son propre rythme ; la cellule doit accomplir journellement quelque 200 fonctions, un harassant labeur. Toutes ces activités ont une origine génétique. La science qui les étudie s'appelle chronobiologie.

Pionniers

Elle doit beaucoup à Franz Halberg, de l'université du Minnesota, aux États-Unis. Le premier, dans les années 50, Halberg a osé troubler les eaux calmes de la recherche biologique, qui s'orientait vers la chimie moléculaire et la génétique, en introduisant dans les programmes de recherches son postulat : « On doit considérer l'homme dans son tout, en tenant compte du milieu qui l'environne. » Puis, dès 1954, deux Français ont emboîté le pas de l'Américain : le Dr Reinberg et le Dr Jean Ghata. Ils travaillaient alors à l'hôpital Beaujon. Ils venaient de constater que, chez les malades rejetant le potassium de leur organisme, l'élimination par les urines variait selon les heures de la journée, mais qu'elle était toujours maximale à 13 h 45...