La présidence de Leopoldo Galtieri, commandant en chef de l'armée jusqu'à la fin de 1981, semblait pourtant débuter sous les meilleurs auspices. Certes, son prédécesseur, le général Roberto Viola (Journal de l'année 1980-81), avait trébuché sur la détérioration de la situation économique et financière.

En un an, l'inflation avait dépassé 110 %, le PIB avait diminué de plus de 4 % et le nombre de chômeurs avait franchi la barre des deux millions. Le peso avait chuté de 40 % sur le marché des changes, en quinze jours, et l'émission d'un billet de un million de pesos portait, fin novembre 1981, un coup fatal à la crédibilité de la monnaie argentine.

Crise

Le président Viola avait dû céder, le 6 juillet 1981, aux pressions des organisations syndicales, en libérant l'ancienne présidente Isabel Peron (mise en résidence surveillée depuis le putsch de mars 1976). Mais cette mesure n'avait pas suffi à apaiser les cinq principaux partis — rassemblés depuis juillet 1981 en un Front d'opposition — qui réclament une démocratisation complète de la vie politique et l'organisation d'élections libres.

Malgré un impressionnant dispositif policier, plus de 20 000 personnes défilent le 7 novembre 1981 dans la banlieue de Buenos Aires, provoquant la décision de la junte de destituer Roberto Viola.

Le général Galtieri, qui lui succède à la tête de l'État après un intérim d'une dizaine de jours, opte d'abord pour une politique de fermeté, en faisant brutalement réprimer le 30 mars 1982 une manifestation organisée par la CGT (péroniste). Bilan : 1 tué, plusieurs blessés et 2 000 arrestations.

Amertume

Mais le général Galtieri réussit, 48 heures plus tard, à retourner l'opinion en sa faveur, en faisant débarquer les forces argentines sur l'archipel des Malouines, que Buenos Aires revendique depuis des décennies.

La victoire des Malouines, qui prend de court Londres, suscite l'enthousiasme de l'ensemble de la classe politique et de la population, toutes tendances confondues. Cependant les échecs diplomatiques successifs essuyés par Buenos Aires, depuis l'adoption le 3 avril 1982 par le Conseil de sécurité de la résolution 502 — qui demande le retrait immédiat des troupes argentines — et la reconquête progressive par la Royal Navy des Malouines, pour finalement aboutir, le 14 juin 1982, à la reddition de la garnison argentine de Port Stanley, provoquent l'amertume de la population.

Même si la junte s'efforce de faire porter la responsabilité de ces échecs aux États-Unis, qui avaient fini par se solidariser avec la Grande-Bretagne après avoir vainement tenté une médiation, Leopoldo Galtieri doit démissionner le 17 juin 1982.

Nul doute que Reynaldo Bignone, qui accède cinq jours plus tard à la première magistrature de l'État — après qu'une âpre controverse a opposé les responsables des trois armes — ne doive compter avec une opposition de plus en plus audacieuse, ulcérée par le désastre des Malouines, qui s'est avéré très coûteux sur les plans politique, économique et humain.

La guerre des Malouines

Découvert en 1592 par des marins anglais, cet archipel de 200 îlots, situé dans l'Atlantique sud à quelque 600 km du continent américain, est colonisé en 1763 par Louis Antoine de Bougainville et ses Malouins. Mais la présence française ne dure que le temps de baptiser les îles : Malouines. En 1765, les Espagnols s'en emparent. Ils sont à leur tour évincés par les Anglais en 1771. Nouveau changement de souveraineté en 1826 : les Argentins prennent possession des îles qui deviennent les Malvinas. Mais, sept ans plus tard, les Anglais sont de retour : ils proclament l'annexion des îles, rebaptisées Falkland, à la Couronne. Jamais, cependant, les Argentins ne se résigneront à cette annexion.

Pour l'Angleterre impériale, les îles Falkland représentent une position stratégique. Son importance est mise en lumière pendant la Première Guerre mondiale : le 8 décembre 1914, la flotte britannique y prend au piège l'escadre allemande de l'amiral von Spee et la détruit.