Journal de l'année Édition 1981 1981Éd. 1981

Si la réforme Haby polarise les mécontentements, c'est qu'en supprimant les filières de l'enseignement secondaire elle ôte la sécurité aux uns sans l'apporter aux autres. Les enfants des classes sociales privilégiées et les bons élèves n'ont plus l'assurance d'aller jusqu'au baccalauréat parce qu'ils sont entrés dans la bonne section. Mais la réforme n'a pas donné aux autres des possibilités égales de formation.

L'orientation, comme le souligne le rapport Jouvin « fonctionne d'autant mieux qu'elle concerne des adolescents qui en ont le moins besoin », c'est-à-dire ceux qui font des études longues. Autre injustice criante : une grande partie des adolescents qui arrêtent leurs études à seize ans quittent encore l'école sans formation professionnelle et se trouvent donc d'autant plus exposés au chômage.

La qualité de la formation donnée n'a peut-être pas diminué, mais aujourd'hui on attend davantage de l'école, en particulier qu'elle arme les jeunes pour l'entrée, de plus en plus difficile, dans l'univers professionnel. La déception est à la mesure des espoirs. Avec la crise économique et le chômage croissant des jeunes, la concurrence se fait de plus en plus âpre. Ceux qui en ont les moyens — information, argent ou réseau de relations — cherchent pour leurs enfants le bon collège ou le bon lycée. Les autres essaient de s'en tirer dans le cadre normal, mais se demandent s'ils n'ont pas été floués.

Le nouveau ministre de l'Éducation nationale, le socialiste Alain Savary (il remplace Christian Beuliac le 24 mai, lors du changement de gouvernement), saura-t-il calmer ces mécontentements et ces inquiétudes ? Parviendra-t-il à modifier le climat de l'enseignement ? Si le ton des relations avec les syndicats change, le ministère saura-t-il durablement rendre confiance et dynamisme aux enseignants et répondre aux aspirations des familles ? Autre changement : Jacques Pommatau succède le 18 juin à André Henry, devenu ministre du Temps libre, à la tête de la puissante Fédération de l'éducation nationale.

Informatique

La mise en œuvre du plan informatique qui avait été établi en 1978 a été gelé. C'est l'une des premières mesures annoncées par Alain Savary au cours de sa rencontre, le 3 juin, avec une délégation du SGEN-CFDT. Ce plan informatique prévoyait la mise en place avant 1983 dans les lycées, collèges et lycées d'enseignement professionnel de 10 000 micro-ordinateurs, l'acquisition de magnétoscopes, magnétophones et vidéo-disques. Selon le SGEN, si « l'informatique et l'audiovisuel ont leur place dans l'enseignement, il faut reconsidérer les modalités d'implantation de ces techniques ».

Supérieur

Mise en place de la nouvelle carte universitaire

L'été n'est pas, en 1980, la période de repos habituelle pour les universités françaises mais le moment d'un grand remue-ménage : une véritable redistribution des formations, au moins dans certains domaines comme les sciences humaines et les enseignements de troisième cycle. Il s'agit du renouvellement des habilitations (c'est-à-dire des autorisations) à délivrer les diplômes nationaux qui sanctionnent la plupart des enseignements dans les universités françaises. Un renouvellement applicable dès la rentrée 1980.

Réactions

L'opération a commencé il y a plus d'un an. Depuis que les universités ont soumis leurs projets, près de 4 000 dossiers ont convergé sur le ministère des Universités, parfois pour de multiples navettes. Une nuée d'experts et de consultants (800, dit-on) ont donné leur avis, à un moment ou à un autre, avant l'examen obligatoire des dossiers par le CNESER, au pas de charge. Le tout dans un grand désordre.

La publication de la liste des habilitations accordées provoque des réactions très vives des présidents d'universités et des associations et syndicats universitaires. Des hommes politiques de la majorité (comme Edgar Faure et Jacques Chaban-Delmas) ou de l'opposition (comme le socialiste André Chandernagor, président du conseil régional du Limousin) interviennent auprès du gouvernement pendant l'été et l'automne. Le Premier ministre Raymond Barre, sollicité, accorde, à la rentrée, une centaine d'habilitations refusées par Alice Saunier-Seïté, notamment 25 diplômes de docteur-ingénieur. Il annonce aussi la mise en place de commissions d'études sur le sort des sciences humaines et le financement des universités.