Journal de l'année Édition 1981 1981Éd. 1981

Éducation

Primaire et secondaire

La qualité de l'enseignement est de plus en plus contestée

Les réformes de l'enseignement laissent-elles un arrière-goût amer ? La réforme Haby a été l'objet d'attaques venant à la fois de la droite et de la gauche du milieu enseignant et des spécialistes. Aujourd'hui, avant même d'être achevée, cette réforme tend à être chargée de tous les péchés par une fraction plus large de l'opinion.

Ce n'est qu'à la rentrée 1981 que les premiers élèves ayant parcouru tout le premier cycle secondaire dans le nouveau système entreront en seconde. D'autre part, le collège unique prévu par la réforme n'est pas vraiment unifié, puisque près de 30 % des enfants sont dirigés à la fin de la cinquième vers une formation professionnelle ou préprofessionnelle, sans qu'une transition ait été trouvée.

Exigences

Mais les discussions et les polémiques débordent aujourd'hui le strict cadre du premier cycle secondaire, même si la réforme Haby est souvent le bouc émissaire. Elles traduisent des interrogations plus générales sur le rôle et le contenu de l'enseignement, primaire comme secondaire, sur sa qualité, ses succès escomptés ou ses échecs supposés. Les critiques traditionnelles gagnent de l'audience, et d'autres reproches s'y ajoutent. Les inquiétudes des parents rejoignent le mécontentement des enseignants.

Le malaise des professeurs n'est pas nouveau : il a déjà amené, en 1972, Olivier Guichard, alors ministre de l'Éducation nationale, à charger une commission de réfléchir sur « la condition enseignante ». Ce malaise a une double origine : sociale et pédagogique. Sur le plan social, les enseignants ont perdu de leur prestige et leur position matérielle s'est détériorée. En même temps, ils sont confrontés à des exigences nouvelles. Exigences formulées par leurs élèves d'abord, qui s'insurgent contre la culture de l'école et sont moins préparés qu'autrefois à la recevoir. Exigences aussi des parents et de l'Administration, qui leur demandent d'être des animateurs, voire de participer à la vie de l'établissement, d'aider leurs élèves à s'orienter.

Autant d'activités que les professeurs, mal préparés, n'assument pas volontiers : beaucoup d'entre eux entendent limiter leur tâche à l'enseignement stricto sensu, à la transmission de connaissances dans le cadre de leur discipline.

Dégradation

À cela s'ajoutent les mécontentements provoqués par les changements de programmes et par les transformations du public scolaire. La suppression des filières à l'entrée en sixième mêle aux autres élèves les 15 à 20 % qui se trouvaient naguère parqués dans les classes de transition. Aussi les enseignants sont-ils nombreux à affirmer, comme les tenants de la tradition, que « le niveau baisse », que certains élèves ne devraient pas se trouver en sixième et relèvent d'un enseignement spécifique. On affirme même qu'une partie non négligeable des élèves (15 % ?) ne savent pas lire à l'entrée dans le second degré.

La nécessité d'enseigner — à l'image des instituteurs — à tous les enfants indistinctement, et non plus à une population plus ou moins sélectionnée, accroît l'impression de dégradation ressentie par les enseignants.

Beaucoup de parents reprennent à leur compte ces critiques. À leurs yeux, en 1970, l'école remplissait plus ou moins bien sa fonction de préparation à un métier. Mais, en 1973, selon les sondages réalisés par la SOFRES et l'IFOP à la demande du ministère de l'Éducation nationale, la majorité des parents en doutaient déjà. Ils considéraient cependant que l'école donnait une bonne « culture générale » et « des connaissances solides » : c'est ce qui est souvent mis en question aujourd'hui.

Les vives discussions sur les programmes qui ont accompagné la réforme Haby ont mis en relief plusieurs interrogations : qu'enseigne-t-on à l'école, au collège et au lycée ; que doit-on y enseigner ? Apprend-on l'orthographe, les quatre opérations, Corneille, Racine ? Les enfants connaissent-ils (et doivent-ils connaître) les rois de France et les batailles de Napoléon ? La campagne lancée par les historiens pour la défense de leur discipline, en particulier, a touché l'opinion ; celle-ci se penche volontiers aujourd'hui sur le passé ; on cherche à retrouver les traces de « ce monde que nous avons perdu » ; certains livres d'histoire se vendent par dizaines de milliers, et des émissions de télévision comme celles d'Alain Decaux, un des animateurs de la campagne pour la défense de l'histoire, rencontrent un grand succès.

Histoire

Enfin, certains hommes politiques, comme le gaulliste Michel Debré ou le socialiste Jean-Pierre Chevènement (Journal de l'année 1979-80), n'hésitent pas à attribuer le déclin de l'idée nationale à la diminution de la place accordée à l'histoire de France.