Aphrodisias présente la particularité d'avoir consacré une partie notable de son activité à la sculpture. On connaît, dans les environs, vingt-cinq ou vingt-six carrières de marbre exploitées dans l'Antiquité. La grande période de la ville se place non pas à l'époque grecque classique ou hellénistique, mais pendant les siècles de domination romaine. Il est possible qu'une partie de sa production ait alors été exportée. Plusieurs signatures de sculpteurs d'Aphrodisias sont connues, que l'on retrouve ailleurs et notamment à Rome.

Chefs-d'œuvre

On a donc là une acropole, un grand temple d'Aphrodite, un théâtre, une agora, des thermes. Ces dernières années, on a commencé à fouiller à l'emplacement du village, qui occupait une partie du site. On a trouvé les fragments d'une vaste basilique, longue d'environ 150 m, d'une porte monumentale de l'agora, et les restes d'un très grand portique à colonnes doriques, dont beaucoup d'éléments s'étaient effondrés à l'intérieur. On pense qu'il pourrait avoir eu plusieurs étages.

Sculptures et bas-reliefs sont nombreux. Ce sont, par exemple, des victoires portant des trophées, ou encore des panneaux représentant deux jeunes princes de la période julio-claudienne (Ier siècle de notre ère). La volonté manifeste de glorifier cette dynastie semble avoir beaucoup fait pour la ville. Un des reliefs montre l'empereur Claude assommant Brittania (la Grande-Bretagne).

Une des constatations les plus importantes réside dans la qualité des sculptures, même tardives. Décadence de l'art à la fin de l'Antiquité ? Il n'en est rien, tout au moins ici : Aphrodisias a réalisé des chefs-d'œuvre, même aux derniers siècles de Rome. Mais on remarque aussi la constance de ce style antique, lequel se perpétue en ces lieux sans subir l'influence des modes extérieures.

Les civilisations anciennes et la mort

Le comportement des vivants envers la mort, et les morts, est une question que l'humanité n'a pas fini de se poser. Comment y répondait-on dans les civilisations anciennes ?

Pour les habitants de la Mésopotamie, les ossements devaient être préservés au complet. Les tombes étaient conçues pour rester à jamais intactes avec les objets qui avaient appartenu au mort et les signes de son statut familial et social ; on entendait maintenir une continuité entre les deux mondes. À l'inverse, les habitants de l'Inde brahmanique veulent faire disparaître entièrement tous les restes du corps : celui-ci brûlé, on jette à la rivière ce qui peut en subsister. Les Indiens ne creusent pas de tombeaux, n'érigent aucun monument funéraire. Les morts ne doivent plus être nulle part en ce monde.

Idéologie

Ces différences radicales sont particulièrement mises en lumière au cours d'un colloque organisé par le Centre d'études comparées des civilisations anciennes (Paris) et l'Institut oriental de l'université de Naples sur l'idéologie funéraire des civilisations anciennes. Idéologie est le mot : les pratiques funéraires révèlent des conceptions du monde et de la société.

D'après les trois types de décoration observés dans les tombes (mastabas) de l'Ancien Empire, et réétudiés par Claudio Barocas, les Égyptiens de cette époque entendaient que le mort continue à occuper sa place et à pratiquer les exercices nobles comme la chasse ; mais ils cherchaient aussi à lui permettre de poursuivre la route vers le royaume des morts — et donc à éviter son retour parmi les vivants. Aussi travaillaient-ils dur, et l'on trouve étroitement associés l'organisation de la société, le contrôle social de la mort (et des morts) et les croyances.

C'est sans doute pour la Grèce ancienne que l'étude des stratégies face à la mort a été poussée le plus loin. Deux de ces stratégies ont été mises en évidence. Elles se succèdent et correspondent aussi à des transformations importantes de la société grecque elle-même. La première est la mort héroïque : celle que l'on trouve en particulier chez Homère. Elle est un idéal. Étudiée par J.-P. Vernant, elle oppose la mort du héros jeune aussi bien à celle du vieillard, par décrépitude, qu'à celle de la piétaille, anonyme. Le héros meurt en pleine gloire, et il meurt jeune : ainsi les hommes conservent-ils la mémoire et de son nom et de sa beauté. C'est, pour la Grèce archaïque, la seule bonne façon d'échapper à toute disparition.

Héros

Cette croyance correspond à un culte et reflète un certain état de la société. Selon A. Snodgrass, le culte des héros fleurit après l'âge mycénien, au moment où se développe, vers le VIIIe siècle avant notre ère, le réseau dense des communautés agricoles. On a recensé 55 tombes mycéniennes (donc antérieures à – 100), où les objets ont été consacrés entre – 650 et – 750. Ce culte pourrait avoir été rendu par des communautés agricoles désireuses de s'enraciner, de s'attacher à un patron (Ulysse, Agamemnon, Ménélas...), devenu un protecteur. Ces beaux morts avaient une fonction précise.