Résultat : en tenant une lampe à huile d'une main, l'exécution de chaque figure de la frise a duré de trente secondes à quatre minutes — une heure environ pour l'ensemble. De même pour les autres dessins de Pech-Merle : l'ensemble a pu être réalisé en deux heures et demie à trois heures. Un événement unique donc, et probablement l'œuvre d'un seul artiste, peut-être en une seule séance.

Certaines expériences sont spectaculaires. Ainsi les reconstitutions de tentes sur le site magdalénien de Pincevent, ou d'une maison du néolithique ancien dans la vallée de l'Aisne, d'après les structures observées au sol. En Angleterre, on a reconstruit des fermes celtiques. On a même cherché à expérimenter champs et cultures, ainsi que troupeaux. Ici, évidemment, les rapports avec la réalité ancienne deviennent hypothétiques.

Transport

Plus convaincante est l'expérience réalisée par J.-P. Mohen pendant l'été 1979 à Bougon, près de Saint-Maixent : un mégalithe de 32 t (en béton et polystyrène) a été tiré sur des rouleaux de bois par 200 hommes, puis hissé à un mètre de hauteur au moyen de leviers, dans l'enthousiasme des participants et des spectateurs. On avait profité de la séance pour se livrer à une expérience en carrière : une dalle de 500 kg a été extraite en cinq heures par trois personnes non exercées, avec des pics en bois de cerf, des coins de bois, de l'eau pour humecter ces derniers et les faire gonfler.

On peut donc déjà démythifier certaines des pratiques de nos ancêtres. Pour d'autres, par contre, l'expérimentation est délicate et ne peut s'envisager qu'en association avec les analyses : ainsi pour la poterie, et davantage encore pour les objets de métal. Ici, le travail ne fait que commencer.

Les silex passés au scanner

À quoi ont servi au juste les silex taillés ? On commence à répondre à cette question grâce au microscope et à l'expérimentation. Une thèse soutenue à l'université de Bordeaux-I, en janvier 1981, montre que l'observation des outils préhistoriques avec un microscope électronique à balayage (scanner) permet de retrouver, sur le tranchant même de certains outils, des résidus arrachés au matériau travaillé voici quatre, quinze ou cinquante mille ans.

Fonction

Par le microscope optique, on observe des polis et des stries sur les tranchants de certains outils. Par l'expérimentation, on peut produire des polis et des stries comparables et qui varient suivant les matériaux (Journal de l'année 1979-80). La fonction de certains outils peut donc être suggérée avec un bon degré de probabilité ; ainsi pour le site épipaléolithique de Meer, en Belgique, où l'on a pu distinguer des zones spécialisées dans le travail des peaux, d'autres dans le travail de l'os ou du bois de cerf.

Au laboratoire de géologie du quaternaire et de préhistoire de Bordeaux, Patricia Anderson-Gerfaud a ainsi été conduite à deux constatations nouvelles. Des traces autres que des traces d'usage s'observent sur certains outils, dans des parties non fonctionnelles. Parfois liées à des échancrures latérales, elles pourraient correspondre à des emmanchements. De telles observations, déjà intéressantes pour une faucille néolithique danoise, le sont encore plus s'agissant d'outils moustériens, vieux de quarante mille ans ou davantage.

L'autre constatation a trait à de microscopiques suppléments soupçonnés plus qu'observés sur les parties fonctionnelles de plusieurs outils. C'est ce soupçon qui a conduit à l'usage du microscope électronique à balayage. Effectivement, des résidus sont apparus pris dans le matériau même de l'outil. Il doit se former au moment du travail un gel de silice qui les englobe. De tels résidus, notamment végétaux (les phytolytes), étaient déjà connus en micropaléontologie. Ce sont des minéraux qui reproduisent soit la forme des cellules, soit certaines structures caractéristiques. On peut donc parfois dire de quels végétaux il s'agissait.

Treize outils préhistoriques ont ainsi été examinés, de même que vingt-trois outils expérimentaux. Une faucille du néolithique danois a montré des résidus de graminées qui se rattachent au groupe de l'orge et de l'avoine. Plus étonnant : un racloir venant du site moustérien de Combe-Grenal (Dordogne) a probablement, lui aussi, servi à couper des graminées actuellement cultivées et cet outil a pu être utilisé emmanché. Deux grattoirs du site de Corbiac, dans la même région, eux aussi moustériens, ont pu servir à travailler du bois de pin. Plus tardifs, puisqu'ils remontent au paléolithique supérieur, deux burins de la Madeleine ont intégré des fragments de matière minérale osseuse qui pourraient bien venir du bois de cerf.

L'inépuisable Aphrodisias

Les fouilles d'Aphrodisias, dans le sud-ouest de la Turquie, commencées en 1961, ne cessent pas de produire monuments, statues et reliefs. On envisage une extension du musée qui y a été inauguré en 1979. C'est ce qu'a exposé à Paris, en Sorbonne et au Collège de France, le professeur de l'université de New York qui dirige les travaux de fouilles.