Bien-pensant toujours, mais cette fois axé sur la beauté du dépassement de soi-même par le sport, le très dépaysant Esprit du vent, de Ralph Liddel, qui nous transporte dans le grand Nord, cher à Jack London. Cette exaltation de l'effort physique, rachat ou revanche d'hommes frappes par le destin, on la retrouve dans Comme un homme libre, un très beau film tourné pour la télévision par Michael Mann, nouveau réalisateur qui, pour ses débuts, réalise un beau doublé avec également Le solitaire, sélectionné à Cannes, un policier très classique mais d'une remarquable recherche formelle.

Un des rares policiers de l'année, d'ailleurs, un genre qui décidément semble connaître une éclipse troublante des deux côtés de l'Atlantique. Deux exceptions cependant : Gloria, de John Casavates, qui crée pour sa femme, Genna Rowlands, sur des images choc, un personnage très fort, et Policeman, de Daniel Petrie, où Paul Newman tente de rétablir l'ordre dans un Bronx livré à toutes les violences. Et aussi, terriblement conventionnel, mais permettant à Élisabeth Taylor de jouer avec humour les has been. Le miroir se brisa, de Guy Hamilton, d'après Agatha Christie.

Même éclipse pour le western, pratiquement absent cette année, à l'exception du Chasseur, de Buzz Kulik, dont on ne se souviendra que parce qu'il restera le dernier film tourné avant sa mort par Steve Mc Queen.

En revanche, la vieille comédie américaine, astucieusement remise au goût du jour, revient en force. Citons, pêle-mêle, Willie and Phil, de Paul Mazursky, Changement de saison, de Richard Lang (avec Shirley Mac Laine et Bo Derek), Un petit cercle d'amis, de Rob Cohen, trois films — auxquels il faut ajouter Heart Beat, de John Byrum, évocation de la vie de l'écrivain Jack Kerouac — construits sur un trio à la Jules et Jim.

Échecs

Les stars se sont parfois fourvoyées dans des oeuvres peu convaincantes. Ainsi Al Pacino, qui explore dans Cruising, de William Friedkin, le monde en cuir noir bardé de chaînes de l'homosexualité new-yorkaise. Ainsi Jane Fonda, dont la bonne volonté et l'énergie militante ne parviennent pas à sauver la lourde satire féministe de Colin Higgins, Comment se débarrasser de son patron. Ou encore Marlon Brando, pachydermique potentat du pétrole dans la superproduction très banale de John Avildsen, La formule. Quant à Peter O'Toole, les avis sont partagés sur son rôle de réalisateur machiavélique dans Le diable en boîte, de Richard Rush. Sur l'univers du cinéma, on peut préférer à ce film brillant, mais irritant, le petit film plein de malice d'un inconnu, Vernon Zimmerman, qui, dans Fondu au noir, multiplie les clins d'œil aux cinéphiles à travers le récit de la folie meurtrière d'un jeune employé d'Hollywood hanté par l'exemple de ses idoles du septième art. Seul Burt Lancaster, mais dans un film franco-canadien de... Louis Malle, Atlantic City, a trouvé un rôle à sa mesure, celui d'un bookmaker sur le retour, amoureux d'une jeunesse, dans l'ancienne métropole du jeu magistralement photographiée.

Italie

Incontestable baisse de régime (on tourne moins), pérennité de la poignée de grands réalisateurs qui se font, au fil du temps et de la crise de leur pays, plus graves, absence de relève : le cinéma italien risque bientôt de marquer le pas.

C'est de Rome, pourtant, que sont venus cette année encore plusieurs des plus grands films de la saison. En premier lieu, très controversé, la Cité des femmes, flamboyant rêve au féminin de Federico Fellini. On y retrouve, à travers les aventures et les rêves de son double. Mastroianni, toutes ses obsessions, femmes-monstres, violeuses, terrifiantes, inaccessibles aussi, et son génie de visionnaire.

Lucide

Fidèle au rendez-vous, également, Ettore Scola, justement salué à Cannes à l'occasion de la projection de Passion d'amour, pour l'ensemble de son œuvre, avec un film plutôt désespéré, superbe constat d'échec, La terrasse. Une sorte de dissection à l'humour grinçant de la caste desséchée des intellectuels italiens frères du réalisateur.