L'embrouille débouche finalement sur une plainte instruite à Caen par un jeune magistrat, Renaud Van Ruymbecke. Celui-ci va dévider brin à brin l'écheveau, inculpant Tournet de faux en écritures publiques et s'intéressant de très près au compte bancaire de Robert Boulin.

Henri Tournet passe un mois en prison durant l'été 1979 et, libéré sous caution, ulcéré d'avoir été rayé de l'ordre de la Légion d'honneur, se met à multiplier les indiscrétions auprès des journalistes. L'affaire éclate au grand jour à l'automne, d'abord dans Minute, puis dans le Canard enchaîné et le Monde. Robert Boulin tente de se défendre, fait appel à ses amis politiques, à ses collègues, notamment Alain Peyrefitte, garde des Sceaux, mais perd pied peu à peu.

Rambouillet

Après avoir déjeuné, le 29 octobre, avec son fils au ministère du Travail, il part seul dans sa 305 bleu métallisé pour les étangs de Hollande, en forêt de Rambouillet, où il aimait à faire du cheval. Là, il absorbe un puissant calmant, puis se dirige vers l'étang Rompu, où il se laisse mourir dans un mètre d'eau.

Inquiets do son retard, ses collaborateurs alertent sa famille. Dans la corbeille à papiers du ministre, un brouillon de lettre, où il est question de suicide et des étangs de Hollande, met sa famille puis les gendarmes sur la piste du désespéré. On retrouve son corps le mardi 30 au matin.

Aussitôt la presse est prise à partie. De nombreuses voix s'élèvent dans la classe politique pour la rendre responsable, par ses « révélations », du suicide du ministre du Travail. Jacques Chaban-Delmas, à la tribune de l'Assemblée, parle d'« assassinat », et Raymond Barre voit dans ce suicide les conséquences « de certaines ignominies et d'une grande bassesse ».

Le lendemain, les responsabilités supposées des journalistes passent au second plan. Robert Boulin, avant de se tuer, a écrit à plusieurs journaux et à certains de ses amis politiques. Expliquant qu'il met fin à ses jours parce qu'« un ministre en exercice ne peut être soupçonné », il dénonce trois responsables de son drame : « un escroc paranoïaque », Henri Tournet, « un juge ambitieux, haineux de la société, désirant faire un carton sur un ministre », le juge Van Ruymbecke, et le garde des Sceaux, « plus préoccupé de sa carrière que du bon fonctionnement de la justice ». Le ministre expliquera qu'au nom de l'indépendance des magistrats il ne pouvait intervenir, et le juge recevra un brevet de travail bien fait du Conseil supérieur de la magistrature.

Fuites

L'affaire Boulin se déplace sur le plan politique, et on cherche qui a pu faciliter les fuites qui ont alimenté les articles sur l'affaire de Ramatuelle. Le président de la République tente de calmer les esprits en exhortant les Français « à laisser les morts enterrer les morts », et Raymond Barre affirme : « Il n'y a pas d'affaire Boulin, il n'y a qu'une affaire Tournet-Groult ».

Ce sont le notaire, Me Groult, et le promoteur, Henri Tournet, que jugeront pour « faux en écritures publiques » les jurés de Caen. Mais la naïveté, l'inconscience, peut-être le faux pas du ministre Robert Boulin seront au centre des débats.

Le mystérieux assassinat de Joseph Fontanet

Il est un peu plus de minuit, le jeudi 31 janvier 1980, lorsque Joseph Fontanet, ancien ministre de Georges Pompidou, rentre chez lui, 36, bd Émile-Augier, dans le XVIe, à Paris.

Joseph Fontanet revient de Viarmes, dans le Val-d'Oise, où il a donné une conférence sur les collectivités locales. Car il est depuis un an et demi directeur de la SODEREC — Société d'études et de réalisation pour les équipements collectifs — qui dépend de la Confédération du Crédit mutuel.

Joseph Fontanet a terminé le transbordement de son matériel de conférence de sa voiture à son appartement. Il s'apprête à refermer le coffre de sa R5 lorsqu'un coup de feu claque : atteint au thorax, Joseph Fontanet s'effondre. Quelques minutes plus tard, des passants — dont la sœur du président Giscard d'Estaing — le découvrent, alertent la police et préviennent son épouse, qui dort dans l'appartement.