Les deux autres films qui nous ont représentés à Cannes relèvent de ce cinéma psychologique, intimiste, qui reste, avec son univers confiné et ses personnages regardés avec plus ou moins de chaleur et de lucidité, notre grande spécialité. Loulou, de Maurice Pialat (dont on a vu également cette saison un portrait brut et souvent pathétique d'une jeunesse vouée au chômage, celle des cités minières du Nord, dans Passe ton bac d'abord), conte l'amour fou d'une petite bourgeoise pour un loubard fruste et violent. Depardieu, encore lui, y fait une création étonnante aux côtés d'Isabelle Huppert qui, elle aussi, reste au premier plan du hit-parade des interprètes.

Quant à Une semaine de vacances, elle marque le retour de Bertrand Tavernier au Lyon secret et fraternel de son premier film L'horloger de Saint-Paul, en suivant, pendant une semaine précisément, une jeune enseignante guettée par la dépression devant les difficultés de son métier et ses problèmes affectifs. Un film sensible, intelligent, chaleureux, qui donne l'occasion de découvrir une autre comédienne sans doute destinée à se hisser, tout comme Nicole Garcia, aux premières places auprès d'Isabelle Huppert et de Miou-Miou : c'est Nathalie Baye, déjà choisie par Truffaut dans La chambre verte.

De Bertrand Tavernier, un autre film, La mort en direct, s'est classé parmi ceux qui ont dominé la saison (si l'on s'en tient au critère de la qualité, car les résultats au box-office sont un peu décevants). Inclassable, il se situe dans un avenir indéterminé, mais refuse de jouer la carte de la science-fiction. Il se veut, surtout, réflexion sur l'effrayant pouvoir, actuel et futur, de nos médias, et notamment de la télévision, qui, ici, n'hésite pas à filmer, à son insu, l'agonie d'une jeune femme que le petit écran retransmet en direct pour faire monter son taux d'écoute. Un très beau film, à la fois lyrique et pudique, dans lequel Romy Schneider, enlaidie, déchirante, trouve un rôle à la mesure de son très grand talent.

Prodigieux numéro

Un talent que, de son côté, Costa Gavras a su utiliser dans un film controversé, à l'extrême bord du mélodrame, Clair de femme, tiré d'un roman de Romain Gary. Un homme, une femme s'y rencontrent alors qu'ils sont tous deux au fond du désespoir et tentent, ensemble, de trouver une raison de continuer à vivre. Très bien placé au box-office, Clair de femme, qui tranche avec l'inspiration habituelle de Costa Gavras, doit beaucoup à ses deux interprètes, Romy Schneider et Yves Montand, au bord du numéro d'acteurs l'un et l'autre — mais d'un prodigieux numéro !

Il semble que les acteurs, et surtout les actrices, jouent dans la production française un rôle de plus en plus grand dans le succès des films. Sinon, comment expliquer le succès de l'indigent Guignolo du tandem Lautner (pour la mise en scène) et Audiard (pour les dialogues), nettement moins inspirés ici que dans Flic ou voyou l'année précédente ? C'est incontestablement la présence, l'omniprésence, dans cette pochade vaguement policière, de Jean-Paul Belmondo (à la fois producteur et, pour la première fois, distributeur du film) qui a permis au Guignolo de se placer en tête des films français au box-office. Belmondo l'emporte nettement sur son confrère en succès commercial, Louis de Funès, qui jouait la difficulté en choisissant de dire, dans une mise en scène qu'il cosigne avec Jean Girault, le texte de Molière dans L'avare. Entreprise sans doute estimable, mais peu convaincante, et dont les résultats n'ont pas été à la mesure des espérances.

L'importance de l'interprète, on la retrouve dans le film que Daniel Duval a tiré d'un roman à succès, autobiographique, de Jeanne Cordelier, La dérobade. Déchéance et sauvetage d'une prostituée, le film était délicat à mener à bien. Son succès est dû à l'extraordinaire interprétation de Miou-Miou, amincie, plus violente, transformée. Une Miou-Miou à laquelle les professionnels ont justement rendu hommage en lui décernant, cette année, le césar d'interprétation pour le second film auquel elle a participé cette saison, La femme flic, une incursion sans complaisance d'Yves Boisset dans l'univers de la police, de la justice et des hautes sphères affairistes.

Succès

La police, encore elle, mais cette fois dépeinte sous un jour fort déplaisant, est au cœur de l'un des films qui ont, cette saison, obtenu le plus de succès : La guerre des polices, de Robin Davies, où deux commissaires, Claude Brasseur et Claude Rich, avec l'aide d'une autre femme flic, Marlène Jobert, s'affrontent sans égard pour les bavures que leur brutale guéguerre ne manque pas de causer. Un film efficace, nerveux, et qui prouve que l'on peut parfois, en France, égaler en vigueur les bons films américains.