En ce sens, le méticuleux restaurateur de Pierrefonds témoigne d'un délire certainement plus profond que celui du peintre de la Leda atomica. Historien distancié de la sensibilité médiévale ou Barnum du Moyen Âge, le sauveteur de la Madeleine de Vézelay suscite encore les passions. Curieux personnage que cet architecte, constructeur, décorateur, sculpteur, praticien et théoricien : à 16 ans, en juillet 1830, il construit une barricade devant sa maison et en établit scrupuleusement le plan ; en décembre 1851, il est chargé de l'organisation de la cérémonie qui célèbre le succès du plébiscite de Louis-Napoléon. « N'oublions pas, écrit-il alors, que le manque de goût a contribué pour beaucoup à la chute de la monarchie constitutionnelle. »

Viollet-le-Duc aura des idées sur tout : il refusera de faire partie du comité du centenaire de Rousseau, dont il récuse les mœurs et la philosophie, mais il inaugurera la statue de Ponsard. Il dessinera des châteaux forts, des confessionnaux, des trains, et définira la technique de la préfabrication. Décelant lui-même dans son attrait pour le Moyen Âge « un penchant qui nous semblait une sorte de dépravation du goût » (Dictionnaire raisonné de l'architecture française), il reste, des tours de Notre-Dame aux remparts de Carcassonne, le plus grand inventeur de passé de l'histoire de l'art.

Ventes

Le millésime 1980 n'est pas un grand cru pour les ventes françaises, mais il marque une date importante dans l'histoire des commissaires-priseurs. On en retiendra surtout une volonté collective de réagir contre la prédominance des firmes britanniques dont les ventes d'objets d'art attirent toute la clientèle internationale.

Préoccupant

Les chiffres sont là : les 80 commissaires-priseurs de l'hôtel Drouot font un chiffre d'affaires de 800 millions de F (pour 1979), tandis que les chiffres cumulés de Sotheby et de Christie's approchent de 3 milliards de F. Et l'écart ne cesse de se creuser car les Britanniques augmentent régulièrement le produit de leurs ventes de 30 % par an quand Drouot progresse de 20 à 25 %. Situation d'autant plus préoccupante que le tiers des objets vendus à Londres vient du Continent, dont une bonne partie de la France, et que les grands collectionneurs français eux-mêmes vont acheter dans les ventes de Londres, New York, Monaco ou Genève, toujours sous l'emprise des Anglais.

Ce succès — ou cet échec — s'explique par une législation fiscale plus favorable à Londres qu'à Paris, aussi bien pour les acheteurs que pour les vendeurs, mais aussi par le dynamisme des auctioneers, alors que le système archaïque du monopole des ventes interdit en France toute initiative commerciale aux officiers ministériels. C'est pour tenter de limiter les dégâts que les commissaires-priseurs demandent des allégements fiscaux qui leur permettraient de lutter à armes égales avec les Britanniques. Ils souhaitent d'autre part que leur statut soit libéralisé pour obtenir les moyens financiers et commerciaux qui leur font défaut. Ils ne veulent cependant pas devenir eux-mêmes des commerçants, car ils considèrent que leur statut d'officier ministériel est en même temps un rempart contre le libre jeu de la concurrence qui laisserait le champ libre aux Anglais pour organiser des ventes en France. Un projet de réforme de la profession de commissaire-priseur, dont l'Élysée a pris l'initiative, doit faire l'objet d'un prochain débat au Parlement.

Événement

L'inauguration, par le maire de Paris, le 13 mai 1980, du nouveau Drouot est également un événement significatif d'une volonté de rénovation. Les commissaires-priseurs parisiens espèrent, grâce à ce nouvel instrument de travail, augmenter le volume des ventes en attirant un public encore plus large que Drouot-rive gauche, qui avait bénéficié d'un succès de curiosité. L'activité des commissaires-priseurs de province s'est également intensifiée. Un renversement de tendance s'est même opéré à leur profit par rapport à Paris. Les ventes de l'ensemble de la province représentent désormais 60 % du chiffre d'affaires national, alors qu'en 1970 c'est Paris qui dominait largement le marché.