Ce phénomène s'explique par une meilleure diffusion de l'information et de la publicité qui provoque le déplacement des acheteurs intéressés vers les grandes ventes de province où sont retenues les plus belles pièces au lieu de prendre comme autrefois le chemin de Drouot. C'est ainsi qu'un bureau de Ruhlmann a atteint à Lyon le prix record de 312 000 F (le 9 mars 1980) à l'hôtel des ventes de Tuiliers.

Ce résultat traduit également l'évolution du goût. Le succès des créations de l'époque Art-Déco s'est en effet confirmé. On ne peut en dire autant des meubles classiques du XVIIIe siècle, dont les marqueteries semblent lasser. Toutefois, les très beaux sièges Louis XV et Louis XVI à dossier plat connaissent un regain de faveur pour prendre place en vedette dans les intérieurs modernes.

Les meubles Empire, Restauration et Charles X sont également appréciés pour leurs finitions raffinées ; les meubles Napoléon III de grande qualité obtiennent des cotes toujours en hausse qui tendent à réduire l'écart avec les pièces d'époques Louis XV et Louis XVI. Enfin, les plus fortes augmentations continuent à se porter sur les meubles régionaux en bois naturel qui sont destinés aux résidences secondaires.

L'argenterie ancienne enregistre une progression de plus de 30 % en un an qui s'explique en partie par la montée des cours du métal qui a triplé d'octobre 1979 à janvier 1980. De plus, l'argenterie a toujours bénéficié, comme les bijoux anciens et tous les objets précieux sous un faible volume, des faveurs d'amateurs avant tout soucieux d'un placement sûr.

Dans le domaine où le goût de la collection prévaut sur les intentions spéculatives, trois secteurs maintiennent une progression régulière de l'ordre de 20 à 25 % par an : les faïences du XVIIIe (notamment les faïences de grand feu), les porcelaines allemandes et françaises et les céramiques d'Extrême-Orient.

L'intérêt pour l'art populaire, les instruments scientifiques, les objets de marine et les jouets anciens n'est certes pas nouveau, mais il semble gagner des connaisseurs de plus en plus nombreux.

Les fanatiques des cartes postales poursuivent la recherche éperdue de souvenirs en images, mais ils commencent à ouvrir les yeux sur des valeurs internationales plus sûres que le clocher du village ou la gare de banlieue, telles que les cartes conçues par de grands illustrateurs (Mucha, Steinlein, Villon).

Dans un domaine voisin, parce qu'il porte témoignage d'une époque, les affiches de 1880 à 1930 sont appréciées au même titre que les lithographies originales d'artistes connus, avec un record de 62 000 F pour une affiche, dessinée par Mucha, représentant Sarah Bernhardt dans La dame aux camélias (vente Ader, Picard, Tajan, du 23 avril 1980 ; expert J.-P. Camard).

Le nouveau Drouot

D'une architecture néo-haussmanienne contestée, le nouveau Drouot permet une amélioration considérable des conditions de travail des commissaires-priseurs et de leurs auxiliaires. Le nouvel hôtel des ventes, qui groupe seize salles de divers volumes sur trois niveaux, occupe une surface totale de 10 500 m2 (alors que l'ancien Drouot ne couvrait que 6 200 m2). Le public apprécie le confort des moquettes, l'efficacité de l'éclairage et l'agrément de l'air conditionné. Des moyens mécaniques importants (monte-charge, ascenseurs, escaliers mécaniques) assurent aisément les circulations verticales par des circuits séparés pour le public et les objets. Une gare routière avec six quais de déchargement, des aires de stockage en sous-sol et des zones de retrait des objets complètent cet ensemble fonctionnel. Mais le parking de 430 places paraît déjà trop juste.

Engouement

Pour les tableaux, anciens ou modernes, c'est à Londres et New York qu'il faut chercher les records. Toutefois, les tableaux orientalistes et symbolistes ont consolidé leurs cotes à Paris. Le seul domaine où la France garde une prééminence incontestée est celui du livre : éditions originales, livres illustrés, reliures anciennes ou modernes attirent à Paris les grands bibliophiles internationaux. Les magnifiques ouvrages de la collection Evrard de Rouvre (27-XII-79 et 22-V-80) ainsi que la bibliothèque de Roger Hild (24, 25, 27-III-80) ont atteint des cotes très au-dessus des estimations. Manuscrits, autographes, documents historiques souvent liés aux ventes de livres sont également en progression.