Depuis le départ de l'ambassadeur de Washington à Téhéran au moment de la révolution iranienne (Journal de l'année 1978-79), la représentation diplomatique américaine est demeurée sans titulaire et le ministre des Affaires étrangères, I. Yazdi, connu pour ses sympathies à l'égard de Washington, s'efforce d'assainir les relations irano-américaines.

Tout est remis en question le 22 octobre lorsque le chah, qui résidait au Mexique, obtient des autorités américaines l'autorisation de se rendre à New York pour y être soigné du cancer. La nouvelle provoque en Iran une nouvelle et fiévreuse vague d'anti-américanisme. Naïveté ou inconscience, c'est le moment que choisit M. Bazargan pour rencontrer à Alger, au cours des cérémonies marquant le 25e anniversaire de la révolution algérienne du 1er novembre, Zbigniew Brzezinski, considéré à Téhéran comme « le plus farouche des défenseurs de l'ancien souverain ». Cette rencontre est ressentie comme une provocation, d'autant plus qu'avec la candeur qui le caractérise M. Bazargan se félicite publiquement de la « cordialité » de ses entretiens avec le conseiller du président Carter, à qui il n'a même pas jugé bon de demander l'extradition du chah.

Dans ces conditions, l'occupation, le 4 novembre, de l'ambassade des États-Unis à Téhéran par un groupe d'étudiants islamiques qui prennent en otages les diplomates américains, semble avant tout dirigée contre M. Bazargan. Ce dernier, violemment pris à partie par les « étudiants qui se réclament de la ligne de l'imam », présente deux jours plus tard sa démission à l'imam Khomeiny, qui charge le Conseil de la révolution de prendre en main les affaires de l'État. Le principal bénéficiaire de la chute du Premier ministre est Bani Sadr, qui semble jouir de l'entière confiance du « guide de la révolution », dont il est considéré un peu hâtivement comme le fils spirituel.

Divisions

Bani Sadr a été à la pointe de la lutte contre l'équipe sortante et c'est lui qui logiquement assume les principales responsabilités au sein du Conseil de la révolution converti en gouvernement. Mais l'alliance hétéroclite qui avait eu raison de M. Bazargan s'effrite rapidement devant les nombreuses difficultés soulevées par le problème explosif des otages, devenu le principal enjeu de la lutte pour le pouvoir au sein de la République islamique.

Devenu chef de la diplomatie iranienne, Bani Sadr proclame ouvertement son opposition au principe même de la détention des otages et s'efforce de trouver un compromis honorable pour les deux parties. Il propose notamment une solution aux termes de laquelle tous les diplomates seraient libérés si Jimmy Carter acceptait seulement le « principe » d'une commission internationale chargée d'enquêter sur la culpabilité du chah. Il s'attire aussitôt les foudres des étudiants islamiques, qui se sont érigés en un nouveau centre de pouvoir d'autant plus influent que leurs décisions semblent jouir de l'approbation de l'imam et du Parti républicain islamique.

Bani Sadr poursuit cependant ses timides tentatives en vue d'amorcer un dialogue avec les États-Unis. Il fait savoir qu'il se rendra aux Nations unies pour y défendre le point de vue iranien. Ses adversaires l'accusent de « compromission » avec l'impérialisme américain. Désavoué par l'imam et le Conseil de la révolution, qui s'opposent à son départ pour New York, Bani Sadr abandonne le 28 novembre son poste de responsable des Affaires étrangères et est remplacé par Sadegh Ghotbzadeh, son rival de vieille date. Le nouveau chef de la diplomatie iranienne, qui partage la modération de son prédécesseur dans le problème des otages, se heurtera aux mêmes obstacles et toutes ses tentatives de prendre langue avec les Américains seront neutralisées par les étudiants islamiques, qui jouissent d'une immense popularité.

Dissidence

L'unanimité nationale est cependant loin d'être acquise et la campagne pour le référendum constitutionnel du 2 décembre accentue les clivages. La droite et le centre libéral, favorables à un régime du type occidental, et l'extrême gauche marxiste et islamique, qui cherche à instaurer un État des ouvriers et des paysans, ainsi que les minorités nationales boycottent la consultation. Le texte constitutionnel consacre la notion de Velayet feguih (la tutelle du dirigeant religieux) qui accorde à l'imam Khomeiny des pouvoirs quasi absolus et ignore les revendications autonomistes des provinces éloignées de l'ancien empire.