Cependant, l'examen des données mensuelles de fin 1975 à début 1978 fait apparaître que la baisse de l'indicateur s'est interrompue, laissant place à une évolution hésitante où alternent de légères reprises et de légers reflux. Pour l'ensemble de l'année 1977, on enregistre 745 000 naissances (+ 25 000 par rapport à l'année précédente) et un indicateur de 1,87 (+ 0,04 par rapport à 1976).

Explications

Mais le fait que la baisse de l'indicateur conjoncturel se soit interrompue depuis deux ans ne permet pas de pronostiquer ce que sera l'évolution des prochaines années. Il ne paraît toutefois guère vraisemblable que les niveaux de fécondité enregistrés durant les vingt années d'après-guerre puissent être observés à nouveau dans un proche avenir.

Cette évolution exceptionnellement rapide de la fécondité depuis une douzaine d'années pose de nombreuses questions auxquelles il n'est pas aisé de fournir une réponse. Certaines se rapportent aux causes de ce phénomène, d'autres à ses conséquences, d'autres encore aux possibilités qui s'offrent aux gouvernements d'en supprimer ou au moins d'en limiter les effets.

S'agissant des causes, bien des explications viennent à l'esprit. D'une part, les mutations économiques, sociales, culturelles qui se sont opérées depuis trente ans ont dû généralement contribuer à faire baisser la fécondité : diminution des catégories sociales traditionnellement les plus fécondes (agriculteurs et salariés agricoles) au profit des moins fécondes (employés, cadres moyens), extension de l'urbanisation, élévation du niveau d'instruction, augmentation de l'activité féminine, diminution de la pratique religieuse... Mais ces évolutions sont bien antérieures à la baisse amorcée en 1964 et elles n'ont pas empêché la fécondité de se maintenir à des valeurs relativement élevées durant les deux décennies antérieures. D'autre part, la libéralisation de la contraception et celle de l'avortement ont pu accentuer la baisse de la fécondité, mais sûrement pas la provoquer si on considère, notamment dans le cas de la France, mais pas seulement dans ce cas, les dates où elles se sont produites. Les enquêtes d'opinion sur le nombre d'enfants jugé idéal dans une famille montrent qu'il s'est produit un réel changement d'attitude au sein de la population : de plus en plus de préférences exprimées pour la famille de deux enfants, un peu moins pour celle de trois enfants, presque plus du tout pour celle de quatre enfants ou plus.

Ainsi, nous rejoignons une constatation faite plus haut, cette baisse ne tient pas à l'existence de moyens nouveaux de régulation des naissances, mais bien au désir, exprimé sous la forme d'une sorte de consensus ou de norme collective, d'en avoir moins qu'antérieurement. Nous sommes finalement ramenés au point de départ : pourquoi les couples désirent-ils moins d'enfants actuellement que vers 1950, époque où le niveau de vie était beaucoup plus faible, où les difficultés de logement et les pénuries de toute sorte étaient autrement plus aiguës que maintenant ?

Faut-il penser qu'il existe dans nos sociétés des mécanismes régulateurs conduisant les générations nombreuses (celles nées peu après la fin de la guerre, qui ont actuellement l'âge d'avoir des enfants) à avoir des descendances réduites, les jeunes de 20-30 ans aujourd'hui éprouvant, en raison de leur nombre (et de la crise économique), des difficultés à s'insérer dans la vie adulte et de ce fait limitant leur fécondité ? Ce sont ainsi plus des interrogations que des réponses qu'il est possible d'avancer à propos des causes de la baisse de la fécondité.

Vieillissement

Les conséquences d'une poursuite prolongée de la baisse de la fécondité, puis de son maintien à un niveau inférieur à celui qui assure le renouvellement de la population sont évidemment néfastes. Outre que le nombre total d'habitants serait rapidement affecté par une telle évolution, les structures démographiques du pays seraient profondément modifiées dans le sens du vieillissement : c'est qu'en effet la proportion des personnes âgées dans une population dépend beaucoup plus de la fécondité que de la mortalité. Associés à ces modifications de la structure démographique, des changements dans l'état d'esprit général, dans le dynamisme collectif et l'esprit d'innovation tant technique que social, apparaîtraient à coup sûr dans une population vieillissante. Or un pays comme la France, dont la densité est l'une des plus faibles d'Europe, n'a rien de bénéfique à espérer d'une réduction de sa population et encore moins d'un vieillissement de ses structures, dans un monde où nous avons vu que la poursuite de la croissance démographique est non seulement inéluctable mais à coup sûr appelée à être considérable. C'est d'ailleurs en ce sens que le gouvernement français a conclu en retenant comme objectif « la stabilisation de la fécondité à un niveau voisin de celui qui assure le remplacement des générations, et de préférence légèrement supérieur ».