Journal de l'année Édition 1978 1978Éd. 1978

Certaines erreurs commises au départ dans l'organisation des marchés agricoles ont vu leurs conséquences néfastes amplifiées par le jeu des montants compensatoires. C'est ce qui s'est passé avec le porc, un secteur de la production qui a fait l'objet de fortes tensions au sein de la CEE en 1977-1978. Pour les comprendre, il faut remonter quelques années en arrière.

Porcs

Pour protéger l'élevage européen, au début du Marché commun, et compte tenu du fait qu'à l'époque le porc pouvait être considéré comme de la céréale transformée, on avait calculé très largement la ration théorique de céréales nécessaires. La protection du marché céréalier s'étendait ainsi au marché porcin. Cependant, au fil des ans, l'alimentation des porcs a été modifiée : le soja et le manioc, produits non soumis aux règlements européens, ont remplacé l'orge dans les rations. Les montants compensatoires n'en ont pas moins été appliqués sur la base d'une ration théorique « gonflée » en céréales, qui n'avait plus rien à voir avec la réalité. Cette erreur volontaire était au départ sans grande répercussion ; mais, lorsque les MCM approchaient 20 %, l'avantage commercial qui en résultait pour les éleveurs allemands, néerlandais, belges ou danois sur les éleveurs français est devenu véritablement insupportable.

À deux reprises, à la requête de la France, principale victime de la situation, le mode de calcul du montant porc a dû être modifié : en outre, la France a procédé, lors de la fixation des prix de la campagne 1978-1979, à une dévaluation supplémentaire de 3,6 % pour les échanges de viande porcine, cette opération sur le franc porc, applicable le 17 mai, ramenait les MCM dans le secteur du porc à 6,2 %, alors que les MCM pour les autres produits passaient de 14,4 à 10,3 %.

Ainsi, par le jeu des MCM, les agricultures européennes se développent comme si elles vivaient dans le cadre d'une union monétaire qui n'existe pas. Il en résulte des distorsions entre agricultures nationales, mais aussi entre les produits agricoles et les moyens de production (engrais, machines) mis en œuvre par les agriculteurs. Sans doute peut-on dire qu'à la différence des industriels soumis aux aléas de la situation économique et monétaire générale, les agriculteurs continuent à bénéficier d'une protection aux frontières et de prix garantis.

Harmonisation

La vraie solution à ce problème passe par le resserrement des fluctuations des monnaies et, donc, par la mise en œuvre de politiques réduisant les mouvements divergents des économies européennes. C'est à cette tâche fondamentale que se sont employés les Neuf. Ils ont confronté leur stratégie à cet égard à l'occasion du Conseil européen de Copenhague, les 7 et 8 avril, sans aboutir à des conclusions précises. Réconcilier la stabilité monétaire et la croissance économique — tel est l'enjeu — et faire en sorte que les Neuf marchent d'un même pas. C'est donc pour essayer de sauver l'Europe agricole et, à travers elle, toute la Communauté européenne, que Valéry Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt ont décidé, au printemps 78, de faire une nouvelle tentative de retour vers une certaine union monétaire. Les réunions internationales de l'été 78 devaient être l'occasion de préciser cette tentative avant la grande échéance politique européenne de 1979, l'élection au suffrage universel du Parlement européen, pour la première fois dans l'Histoire.