Journal de l'année Édition 1978 1978Éd. 1978

Il n'en va pas de même de la Grande-Bretagne, qui, importatrice nette de produits agricoles, est avantagée dans sa politique d'approvisionnement. La Grande-Bretagne dispose de paysans, de farmers, particulièrement efficaces, et elle se préoccupe surtout de fournir à ses consommateurs des denrées au meilleur prix. Elle est d'autant plus encouragée à le faire que la charge du fonctionnement des MCM est supportée par la Caisse européenne, le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA). La Grande-Bretagne accepte néanmoins de dévaluer la livre verte de 7,5 % en janvier. L'Allemagne et les pays du Bénélux, pays à monnaie forte, restent attachés aux montants compensatoires pour des motifs différents de ceux de la Grande-Bretagne. La poussée vers la hausse des monnaies de ces pays contraindrait, en bonne logique, leurs gouvernements à réévaluer leurs monnaies vertes, ce qui se traduirait, pour les agriculteurs des pays intéressés, par une baisse relative des prix agricoles par rapport aux autres prix. Une opération difficile à faire admettre. Alors que le recours aux montants compensatoires offre toute facilité, puisque le mécanisme s'analyse alors comme une taxe qui frappe les produits importés et comme une subvention versée aux produits exportés. C'est tout bon, et c'est ce qui explique le poids grandissant que prend la production de l'Allemagne de l'Ouest dans l'économie agricole européenne.

Historique

Toute la difficulté provient du fait que la politique agricole commune a été conçue au moment où les parités monétaires étaient fixes. Premier accroc en 1969, quand la France dévalue le franc et l'Allemagne réévalue le mark. Pour ne pas modifier d'autant les parités des monnaies qui servent au calcul des prix agricoles, on invente alors les MCM.

Le recours au montant compensatoire apparaît inéluctable lorsque la baisse d'une monnaie vient fausser la concurrence et briser le principe de base du Marché commun agricole de l'unicité des prix. Il a fallu y recourir d'une manière systématique lorsque le système monétaire s'est désorganisé, avec la suppression de la convertibilité du dollar en août 1971 et l'instauration des changes flottants en décembre 1971. À partir de janvier 1972, la Communauté européenne a instauré un système généralisé de montants compensatoires variables, pour tenir compte des fluctuations monétaires et maintenir plus ou moins artificiellement l'unicité des prix communautaires, la préférence communautaire et la libre circulation des produits, c'est-à-dire les trois principes de l'Europe verte.

Mais, si l'acquis communautaire est ainsi sauvegardé tant bien que mal, le système fait apparaître de graves inconvénients.

Coût

La correction monétaire est incomplète : elle n'intervient que lorsque la variation hebdomadaire dépasse 1 %. Elle n'intervient que pour les produits pour lesquels il existe des mécanismes permanents d'intervention (blé, sucre, viande). En revanche, la distorsion monétaire joue à plein pour les produits où le prix du marché se forme librement (fruits et légumes). Il y a donc des distorsions de traitement entre les secteurs de production. Autre inconvénient, les relations commerciales sont dégradées : c'est le commerçant qui fait l'avance du montant compensatoire, et il est remboursé plus ou moins vite selon les pays.

Le système est également très coûteux : la somme des montants octroyés par le FEOGA est très supérieure à celle des montants qu'il reçoit. Il s'ensuit pour le budget agricole un supplément de dépenses devenu considérable, et grossissant d'année en année : l'équivalent de 700 millions de francs en 1974, 2 milliards en 1975 et plus de 5 milliards (chiffre record) en 1976. Ces dépenses représentent plus de 20 % du budget du FEOGA. Le déséquilibre est accentué par le fait qu'on utilise les taux verts pour calculer les paiements du FEOGA aux États membres, mais qu'on utilise toujours les anciennes parités du FMI pour évaluer les contributions de ces mêmes États membres au fonds agricole, ce qui pénalise les pays à monnaie forte comme l'Allemagne et les Pays-Bas.