Malgré leurs divergences d'appréciation, tous les experts s'accordent sur deux points :
– en raison des données démographiques, une stabilisation du chômage à son niveau actuel nécessiterait une croissance de 4,5 à 5 % ; l'évolution des ressources en main-d'œuvre est plus rapide par rapport à la période 1968/1973 où la croissance avait été soutenue ; les jeunes qui entrent dans la vie active sont donc les premières victimes du chômage ;
– le chômage frappe inégalement les catégories socioprofessionnelles. Les femmes, les ouvriers ou employés non qualifiés sont plus touchés que les hommes et les ouvriers qualifiés.

Face à cette double évolution, la politique gouvernementale se poursuit à deux niveaux :
– remédier — au moins provisoirement en période électorale — aux déséquilibres les plus criants et poursuivre la politique d'indemnisation ;
– modifier la conception même que les partenaires sociaux ont de l'emploi et de la vie active.

Indemnisation et correction conjoncturelle des déséquilibres

Depuis le début de la crise, réglementation autoritaire et paritarisme sont étroitement liés en matière d'emploi, notamment pour l'établissement des prestations et des conditions de mise à la retraite.

Pour la politique contractuelle de l'emploi, deux accords significatifs sont signés en 1977 :
– dans la sidérurgie, le 3 juin, un accord visant à atténuer les conséquences des 16 000 suppressions d'emplois envisagées d'avril 1977 à 1979 est signé par la seule CGT-FO. Le texte prévoit une mise à la retraite des ouvriers et ETAM (agents de maîtrise) à 60 ans avec 70 % de leur rémunération et leur indemnité de licenciement (dans les groupes sidérurgiques les plus touchés, le dégagement est même prévu à 56 ans et 8 mois ; pour les ouvriers en continu, le seuil s'abaisse à 54 ans). Des discussions sur la réduction du temps de travail et pour les actifs des garanties en cas de mutation sont envisagées ;
– au niveau national interprofessionnel, le CNPF et les syndicats concluent, le 13 juin, un accord étendant aux travailleurs de plus de 60 ans qui démissionneront de leur emploi les dispositions de l'accord du 27 mars 1972 instituant une garantie de ressources, dite préretraite, pour les salariés privés d'emploi. Il s'agit donc, sous certaines conditions (notamment l'engagement de ne plus travailler), de permettre la retraite à la carte... mais avec le financement du régime chômage.
– Dans le cadre du « pacte national sur l'emploi », le gouvernement fait adopter (loi du 5 juillet) un ensemble de mesures sur l'emploi des jeunes. Il s'agit d'une incitation à la création d'emplois pour les jeunes à la recherche d'un premier emploi, par la prise en charge par l'État, jusqu'au 30 juin 1978, des cotisations sociales dues par les employeurs. La loi contient également une amélioration de la formation des jeunes par la multiplication des stages d'une durée au moins égale à 6 mois. Enfin, l'octroi de la prime de mobilité aux jeunes est étendu à ceux qui, embauchés par une entreprise française, accepteront de s'expatrier. Le financement de ces dispositions est assuré par l'affectation obligatoire du 1/5 de la taxe de formation professionnelle à cette opération premier emploi et par une contribution exceptionnelle de 0,10 %. Au total, compte tenu de la contribution de l'État (1 045 millions), ce sont près de 2 250 millions qui sont affectés à la lutte contre le chômage des jeunes.

Conception de l'emploi

Les significations de l'emploi sont multiples. On peut en distinguer trois aspects :
– la contribution à la production ;
– la considération suscitée par l'activité exercée ;
– la source de revenus.

Jusqu'à présent, la notion d'emploi recouvrait indistinctement ces trois aspects. Pour l'avenir, la crise amène à se demander si le réalisme ne conduit pas à traiter séparément ces trois dimensions de l'emploi. L'effort public a consisté jusqu'à maintenant à donner la priorité à l'emploi en tant que source de revenus. Dans la mesure où cet effort de solidarité nationale n'est pas conjoncturel, le souci majeur du gouvernement est d'éviter aujourd'hui de faire du chômeur un oisif permanent en lui donnant la possibilité de jouer un rôle actif dans la vie économique ; de promouvoir des activités qui, même situées en dehors des secteurs de la production des biens et des services, pourraient être assurées par ceux qui se trouvent provisoirement écartés de l'activité économique.