Alors que l'informatique, à ses débuts, pouvait être considérée comme un facteur de redoutable centralisation, la télématique favorise l'autonomie des cellules de base. L'information peut en effet circuler dans les deux sens, entre les cellules de base et les centres régulateurs, comme aussi entre les cellules elles-mêmes. Dans quelques régions comme l'ouest des États-Unis, on voit naître cette tendance jusqu'au sein de la production industrielle, où des conglomérats trop vastes éclatent en unités plus petites, reliées entre elles par des réseaux informatiques.

Mais, pour que la télématique n'aboutisse pas à la mainmise du géant américain IBM sur la société française, les pouvoirs publics doivent assumer un rôle régulateur : recherche d'une internationalisation des normes d'émission des messages, lancement et gestion de satellites de télécommunication européens, soutien à l'industrie mini-et péri-informatique nationale, harmonisation de la recherche (qui pourrait être coordonnée par le CNET), création d'un organisme qui aiderait les administrations les plus faibles à s'informatiser.

Conflits

Dans une société à très haute productivité, où la quantité de travail productif va décroissant, les schémas libéral et marxiste seront tous deux dépassés. Les conflits n'opposeront plus deux classes structurées par leur insertion dans les processus industriels, mais des groupes mobiles, conditionnés par la diversité de leur appartenance et de leurs projets.

L'activité productrice résiduelle sera-t-elle livrée à un sous-prolétariat d'immigrés, ou bien répartie dans une population partageant son temps entre la production et les activités non productrices ? Quelles règles présideront à la coexistence des divers types d'activités ?

Les auteurs du rapport prévoient que les conflits se déplaceront du cadre des entreprises vers les facteurs culturels, dont l'appropriation constituera le véritable pouvoir et la nouvelle source des inégalités. La diffusion de la télématique pèsera fortement sur le langage. Les banques de données imposeront une restructuration des connaissances. Cette mutation se fera « selon des critères sécrétés par le modèle culturel américain ».

Équilibre

Une alternative est cependant envisagée à la multiplication et à l'exacerbation des tensions : celle d'une société qui réussirait à concilier les nécessaires contraintes collectives avec la liberté et la spontanéité des groupes autonomes. Ces derniers pourraient, à partir des contraintes, élaborer une conciliation originale avec leurs propres projets : l'information remonterait des groupes jusqu'aux pouvoirs publics, tandis que foisonneraient les communications latérales, en une sorte d'agora nationale rendue possible par la télématique.

Faute d'un tel équilibre, l'État serait conduit à en imposer un autre, de caractère autoritaire. L'urgence d'un tel choix laissera-t-elle à la société française les délais exigés par un apprentissage vital ? Le rapport conclut sur cette question, devant laquelle les auteurs ne cachent pas leur angoisse.