La demande mondiale d'énergie est un problème particulièrement complexe. Elle est fonction de la démographie (point sur lequel les experts ne sont pas toujours d'accord) et du développement, ou plutôt des genres de vie. Comment vivra-t-on en Amérique, ou en Inde, dans cinquante ans ? Où en seront l'urbanisation, le confort, les transports ? Selon la réponse qu'on apporte à ces questions, la consommation d'énergie peut varier entre deux ou trois fois le niveau actuel (ce qui pose déjà des problèmes) et cinq ou dix fois (ce qui semble insurmontable). Face a cette demande, incertaine mais vraisemblablement élevée, quelles sont les ressources en pétrole, en gaz, en charbon, en uranium, en minerais, etc. ?

Pour équilibrer la demande et les ressources, quelles sont les grandes options possibles à long terme, c'est-à-dire susceptibles de durer pendant des siècles ? En gros, il semble y en avoir quatre : la fission nucléaire, la fusion thermonucléaire, l'énergie solaire et la géothermie. Les combustibles fossiles, eux, doivent assurer la transition, et être réservés ultérieurement pour certains usages nobles. Mais développer à grande échelle une ou plusieurs de ces options ne sera pas aisé, car il y a des contraintes : les risques associés à certaines d'entre elles, l'interaction avec les climats, l'occupation des sols et la disponibilité du capital (car toutes ces énergies s'annoncent beaucoup plus coûteuses en investissements que les énergies classiques).

Après avoir défini et analysé tous ces facteurs, on étudie des stratégies (c'est-à-dire des scénarios à l'aide de modèles mondiaux multirégionaux) pour révolution du système énergétique mondial. Mais, surtout dans cette première phase, l'analyse des systèmes appliquée à la problématique énergétique mondiale ne vise pas à proposer des solutions, seulement à mieux comprendre la complexité et l'interdépendance des problèmes et des nations.

Outre les problèmes de l'énergie et de l'eau, l'Institut de Laxenburg étudie les problèmes d'environnement, d'urbanisation, de l'alimentation mondiale, etc. Il prépare un traité sur l'analyse des systèmes, qui est encore une jeune science.

Le théorème des quatre couleurs

Le courrier passé en août 1977 par la machine à affranchir de l'université de l'Illinois porte, à la place ordinairement réservée à quelque formule publicitaire, cette mention énigmatique : Four colors suffice, « Quatre couleurs suffisent ».

Défi

Formulée pour la première fois en 1852, la conjecture des quatre couleurs pose qu'une carte figurant des pays délimités par des lignes-frontières peut être coloriée avec quatre couleurs seulement, sans que deux territoires voisins aient jamais la même couleur. Vérifiable empiriquement, cette conjecture a défié pendant cinq quarts de siècle les mathématiciens (professionnels ou amateurs) qui s'efforçaient d'en faire un théorème démontré. Leurs travaux permirent pourtant une approche du problème : s'il existait des cartes exigeant cinq couleurs, il y aurait nécessairement une telle carte minimale, c'est-à-dire comportant un nombre de pays au-dessous duquel moins de cinq couleurs suffiraient. La solution est alors obtenue si l'on arrive à prouver, en étudiant un très grand nombre de configurations possibles, qu'aucune ne peut faire partie d'une carte à cinq couleurs minimale.

Cette démonstration, extrêmement longue et compliquée, n'a pu être édifiée que progressivement. Une équipe de mathématiciens, sous la direction de Kenneth Appel et Wolfgang Haken, a dialogué pendant plusieurs années avec des ordinateurs, tant pour analyser les difficultés théoriques et affiner les programmes que pour effectuer des calculs impossibles à mener à la main. Finalement, l'université de l'Illinois a mis à la disposition des chercheurs, pendant un millier d'heures, son puissant complexe d'ordinateurs, grâce auquel la démonstration a été obtenue.

Trouble

Ce succès ne va pas sans jeter un certain trouble parmi les mathématiciens, habitués à des méthodes conduisant à des démonstrations courtes et à des calculs entièrement vérifiables à la main. Peut-être, disent Appel et Haken, trouvera-t-on un jour une telle démonstration du théorème des quatre couleurs. Plus probablement, leur travail suggère qu'il existe des limites à ce qu'on peut faire en mathématiques en n'utilisant que les vieilles méthodes théoriques. L'ordinateur se hausse au rang d'un instrument de recherche mathématique.

Les objets fractals

Bien des théories mathématiques et des concepts nouveaux semblent voués à demeurer dans le domaine de l'abstraction gratuite, sans s'ouvrir jamais sur des applications pratiques. Puis, soudain, ces jeux intellectuels se révèlent providentiels dans les disciplines les plus inattendues. C'est ce qui arrive à des monstres enfantés entre 1884 et 1919 par Cantor, Peano, von Koch, Hausdorff.