– Le partage du marché entre commerce concentré (23,1 % des ventes au détail) et commerce indépendant (76,9 %) est revenu aux situations de 1973 et 1975, après une légère avance du commerce concentré en 1974 (dont la part était alors de 23,2 %) et une légère avance du commerce indépendant en 1975 (dont la part était de 77 %).

– Les créations d'entreprises commerciales excèdent très largement les cessations d'activité : 73 171 contre 60 885. Le solde positif des ouvertures sur les fermetures atteint un niveau record absolu de 12 286 unités.

– 30 hypermarchés et 235 supermarchés ont ouvert leurs portes durant l'année 1977 contre respectivement 36 et 345 en 1976 : la progression des grandes surfaces est donc beaucoup moins rapide. Au 1 janvier 1978, on compte 370 hypermarchés et 3 368 supermarchés.

Prix d'appel

Plus grave est le dissentiment qui oppose les industriels français de l'électroménager, au premier rang desquels Thomson-Brandt et Moulinex, à certains magasins de grandes surfaces, coutumiers du prix d'appel, comme Darty ou Carrefour. La pratique du prix d'appel est vieille comme le commerce. Il s'agit tout simplement de la vente à prix cassés (jusqu'à faire disparaître complètement le bénéfice, mais sans aller jusqu'à la vente à perte, interdite par la loi) qui porte sur certains articles de marques très connues et qui draine vers le magasin la clientèle friande de bonnes affaires. Une fois sur place, on achète d'autres produits, gonflés de marges bénéficiaires confortables : c'est « l'ilôt de perte dans l'océan de profit » cher au commerce moderne.

Il est évidemment tentant pour le distributeur de faire porter ces prix d'appel sur les grandes marques nationales, prévendues par une publicité massive. L'ennui pour le fabricant, c'est que cette pratique incite les détaillants spécialisés, obligés par la concurrence à aligner leurs prix en baisse, à ne plus vendre les articles ainsi mis en vedette par les grandes surfaces.

De plus, certains discounters ont le tort (des constats d'huissiers le prouvent) de déconseiller à leurs clients l'achat de ces produits à bas prix : « Nous n'en avons plus en stock : la qualité n'est pas très bonne... » Le résultat : une baisse des ventes pour les industriels français. Leur mécontentement s'exprime d'abord d'une voix feutrée : les grandes surfaces, disent-ils, font tort à l'industrie française ; en la mettant en difficulté, au profit de la concurrence étrangère, le grand commerce risque, dans une période déjà bien difficile pour l'économie française, de créer du chômage...

Riposte

Larvée depuis l'été, la protestation se transforme en riposte à l'automne. De nouveaux contrats sont proposés au grand commerce : ces contrats exigent des garanties de technicité (compétence des vendeurs, fiabilité du service après-vente), le choix d'une gamme assez complète des productions du fabricant, ainsi que la limitation du cassage des prix.

Cette action suscite à son tour les protestations des responsables des grandes surfaces, arguant que les industriels veulent dissimuler sous un habillage contractuel des hausses de prix injustifiées.

À vrai dire, dans la démarche d'esprit des industriels, tout n'est pas aussi pur qu'ils le disent. Contraints par la circulaire Fontanet (31 mars 1960) à renoncer au refus de vente et aux prix imposés, les industriels sont restés des nostalgiques de l'époque bénie où ils pouvaient refuser de livrer un détaillant dont la politique commerciale leur déplaisait et où ils pouvaient imprimer eux-mêmes sur l'emballage le prix auquel un article serait vendu au consommateur.

Au demeurant, un assainissement de la situation est devenu nécessaire, et Christiane Scrivener, alors secrétaire d'État à la consommation, a préféré une refonte de la circulaire Fontanet. Celle-ci avait ramené à la raison les industriels opposés à la naissance du commerce moderne (une cascade de procès pour refus de vente opposant Edouard Leclerc — celui des Centres — à ses fournisseurs en avait précédé la publication). La circulaire Scrivener tempère ainsi les excès des grands du commerce, qui abusent de leur puissance.

Réglementation

Publiée au Journal officiel du 12 janvier 1978, cette nouvelle circulaire, au grand dam des industriels, ne revient pas sur l'interdiction du refus de vente et des prix imposés. Mais elle oblige à communiquer à leur demande à tous les détaillants les barèmes de prix pratiqués par l'industriel, elle précise et soumet à contrôle les conditions de vente (délais d'exécution des commandes, modalités de conditionnement, de transport, de paiement...), généralisant à tous les détaillants les avantages promotionnels ponctuels décidés par un industriel (pour le lancement d'un produit, par exemple).