La peinture subit le marasme de l'industrie du bâtiment, ce qui n'a pas empêché CDF-Chimie (qui contrôle Ripolin-Goerget-Freitag) de prendre le contrôle de la chaîne de magasins britannique Wall Paper ainsi qu'une participation minoritaire chez le petit fabricant français Avi.

Comme la plupart des producteurs français — Rhône-Poulenc, CDF-Chimie, Ato — sont très engagés dans la chimie organique, le marasme s'est inévitablement traduit dans leurs résultats, qui sont tous, en 1977, soit équilibrés, soit légèrement déficitaires. Ce laminage des marges paraît des plus préoccupants pour l'avenir. En effet, les concurrents étrangers qui sont les moins touchés — par exemple les Allemands de BASF et les Anglais de ICI — procèdent à d'importants investissements.

De tels investissements sont loin d'être sans risques pour leurs promoteurs ; mondialement, l'industrie chimique est en situation de surcapacité ou le sera bientôt, quand seront mises en service les unités construites par nos ingénieurs en Chine, en Corée, en URSS, en Pologne, au Qatar. N'empêche que si ces firmes gagnent leur pari, les chimistes français se trouveront distancés.

Textiles

Les pesantes difficultés ne font que commencer

Il y a des secteurs qui, parce qu'ils sont financièrement fragiles, fortement exposés et congénitalement mal gérés, n'en finissent pas d'être malades. C'est le cas des industries du textile et de l'habillement. Elles ont été aux avant-postes de la révolution industrielle du XIXe siècle ; elles sont tout aussi naturellement le fer de lance d'une pléiade de pays en voie de développement asiatiques, africains et européens. Si la crise qui les frappe depuis cinq ou six ans n'a pas l'ampleur financière de celles que connaissent la sidérurgie, le papier ou la construction navale, elle n'en a pas moins des répercussions profondes sur le plan humain.

Dépôts de bilan

Le textile a toujours été discret dans le choix de ses sites : au fond des vallées vosgiennes ou cévenoles, dans le Bocage normand, à proximité des marais vendéens, telle filature, tel atelier de confection, telle usine de sous-vêtements fait survivre une petite bourgade paisible, qui ne demandait pas davantage pour assurer la reconversion de l'agriculture locale.

La dure loi de la concurrence est implacable : chaque année, le textile et l'habillement perdent environ 5 % de leurs effectifs, soit, à l'heure actuelle, une trentaine de milliers de personnes (le double du nombre de licenciements décidés, fin 1977, dans la sidérurgie lorraine). Cet écrémage signifie des dépôts de bilan en cascade. Parmi les plus récents, Aunay-Fortier (1 000 personnes, à Rouen), Jacquard (1 500 personnes, à Châlons-sur-Marne), Giron Frères (350 personnes, à Saint-Étienne), Lepoutre, Frank Olivier, Jeannel. Cette liste est, malheureusement, loin d'être exhaustive.

D'une manière générale, il fallait bien faire cesser cette hémorragie (en 1977, le niveau moyen de production de textile français était en recul de 7 % sur celui de 1974). C'est pourquoi le gouvernement décide, le 19 juin 1977, de faire jouer la clause de sauvegarde (c'est-à-dire le droit de limiter unilatéralement ses importations) à l'égard de certains articles textiles : chemises pour hommes, chemisiers, tee-shirts et filés de coton.

Protectionnisme

Après un baroud d'honneur libéral, les autorités du Marché commun finissent par se ranger à l'avis du gouvernement français et imposent donc des restrictions très fermes à certaines importations en provenance des 33 pays faiblement développés (Inde, Singapour, Hong-kong, Corée du Sud, Pakistan, Brésil, etc.) avec lesquels le Marché commun était sur le point de renouveler le fameux accord multifibre qui régit les relations commerciales entre ces pays et les Neuf.

Ce renouvellement paraissait problématique, car il s'agissait de toute évidence d'une initiative protectionniste de la part de pays se réclamant urbi et orbi de la doctrine libérale. Grâce au talent d'un obscur négociateur des Communautés européennes, Tran Van Thrinh (qui avait cependant le double mérite d'être vietnamien d'origine et cartésien d'éducation), l'affaire fut rondement menée et donna toute satisfaction aux producteurs européens. En effet, outre son impact psychologique, elle s'est traduite par le freinage volontaire de certaines exportations jugées anormales par les industriels européens. Alors qu'en 1976 notre balance commerciale textile avait été déficitaire pour la première fois de son histoire — et ce d'un montant de un milliard de F —, elle a pratiquement retrouvé l'équilibre en 1977.

Reconversion

En un an, le rythme de progression de nos importations a diminué des deux tiers. En même temps, nos exportations progressaient de 13 % (contre 5 % en 1976). Incontestablement favorisée par la stagnation économique de 1977, l'hémorragie était donc stoppée pour les produits sensibles : en un an, le taux de pénétration des chemisiers importés passait de 54 à 47 %.