En dépit des incertitudes sur les quantités exploitables et sur les utilisations possibles du krill (une petite crevette, probablement la ressource marine vivante la plus abondante), en dépit aussi de l'éloignement et de la difficulté des mers antarctiques, plusieurs pays (Japon, URSS, Allemagne fédérale, Taiwan, notamment) ont commencé des essais de pêche au krill. Les Treize ont donc décidé d'étudier les moyens d'assurer la conservation des stocks de matière vivante.

Avant même de savoir quelles quantités de matière vivante peuvent être prélevées dans les stocks antarctiques – et à quel prix de revient – et sans réaliser qu'en l'état actuel des techniques les ressources minérales – si elles existent – sont inexploitables, un certain nombre de pays en voie de développement ont déjà demandé que l'Antarctique soit considéré comme « patrimoine commun de l'humanité » au même titre que les grands fonds marins. L'exploitation de ces derniers est un des principaux sujets des discussions de la conférence des Nations unies sur le droit de la mer.

Ces discussions reprennent année après année depuis 1973 sans marquer beaucoup de progrès sur le sujet précis des ressources minérales des grands fonds marins. On comprend donc assez bien que les Treize semblent préférer maintenir l'Antarctique sous un statut qui fonctionne bien depuis dix-sept ans. En outre, disent les Treize, le traité de l'Antarctique n'est pas un club fermé : tout pays qui participe aux recherches menées au sud du 60e parallèle sud peut demander à y adhérer comme membre à part entière.

Forage

L'expédition glaciologique qui s'est déroulée du 7 décembre 1977 au 15 janvier 1978 sur le Dôme C (à environ 1 100 km au sud-ouest de la base française de Dumont-d'Urville) est un bon exemple de la coopération scientifique internationale sur le continent austral.

Le Dôme C est situé à 3 250 mètres d'altitude ; l'épaisseur de la glace y est de 3 400 mètres ; la température moyenne annuelle est de – 53 °C, mais, pendant l'été austral 1977-1978, le thermomètre s'est maintenu entre – 25 °C et – 40 °C. Il s'agissait, dans le cadre de l'International Antarctic Glaciological Program (regroupant la France, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie et l'URSS), de forer la glace sur un millier de mètres de profondeur de façon à y prélever des échantillons. La calotte glaciaire antarctique (25 millions de kilomètres cubes où sont immobilisés plus des deux tiers de toute l'eau douce de la planète) existe probablement depuis douze millions d'années. Elle constitue donc des archives où sont stockées les traces de l'évolution des climats terrestres et celles de la pollution industrielle récente, ou de l'activité volcanique.

Une équipe de glaciologues français (du laboratoire de glaciologie du CNRS de Grenoble) s'est chargée du forage proprement dit et a utilisé, de 0 à – 130 mètres, un carottier électromécanique, puis, de – 130 à – 901 mètres, un carottier thermique, deux appareils conçus au laboratoire de glaciologie et utilisés pour la première fois.

Le support aérien – quatorze vols de C130 – a été assuré gracieusement par les Américains depuis leur grande base de McMurdo. Des sondages radioélectriques, destinés à mesurer l'épaisseur astrale de la calotte glaciaire dans la région du Dôme C, ont été effectués par des appareils britanniques montés sur un avion américain.

Dix tonnes de carottes de glace (de 10 centimètres de diamètre) ont été remontées du trou, dont cinq tonnes ont été rapportées en France pour être analysées dans divers laboratoires. Les premières mesures ont confirmé les hypothèses faites avant le forage : l'âge des échantillons de glace s'échelonne sur les 25 000 ou les 30 000 dernières années, l'âge de la glace augmentant, évidemment, avec la profondeur du prélèvement. On dispose donc d'échantillons de glace (prélevés entre 400 et 600 mètres de profondeur) formée pendant les cinq mille années (entre – 15 000 et – 10 000) durant lesquelles la dernière période glaciaire s'est achevée et le climat actuel s'est installé.