Oui a tué le chat ?, plus désinvolte, semble vouloir dire qu'il n'y a plus, en Italie, qu'affreux, sales et méchants... et donne à Ugo Tognazzi l'occasion de se montrer irrésistible en bigoudis !

Grinçant

Avec trois films également, Monicelli démontre, lui aussi, l'ampleur de sa palette. Féroce, cruel, à la limite de l'insoutenable, Un bourgeois tout petit petit montre un Alberto Sordi ivre de vengeance (son fils a été tué au cours d'un attentat terroriste) torturant à petit feu le jeune homme qu'il croit être responsable. Un film choc, désagréable, mais que l'on n'oublie pas.

Rien de tel dans Brancaleone s'en va-t-aux croisades – tourné en 1970 –, sorte de bande dessinée drolatique, où Vittorio Gassman incarne avec truculence un genre de Don Quichotte dépenaillé. Quant à Romances et confidences, c'est l'histoire ricanante et pitoyable d'Alberto Sordi le bellâtre, trompé avec un beau policier par la douce Ornella Mutti...

Ettore Scola, enfin, a lui aussi joué autant de la gravité que de l'humour. Dans le premier registre, Une journée particulière, brève rencontre, admirablement filmée en sépia, de la ménagère Sophia Loren et de l'homosexuel Marcello Mastroianni, pendant que Rome, fanatisée, acclame Mussolini et Hitler, est l'un des plus beaux films de l'année. Dans le mode humoristique – et tourné bien avant –, Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?, bien qu'un peu long, est une irrésistible fable africaine, où la sottise du bourgeois blanc débarquant chez les indigènes donne à Alberto Sordi, grand triomphateur de l'année – flanqué ici de Bernard Blier –, l'occasion d'un énième beau rôle...

Seul Dino Risi, cette année, a déçu, avec sa Chambre de l'évêque. Mais il s'est rattrapé en signant, avec ses complices Scola et Monicelli, et leurs amis interprètes Gassman, Tognazzi, Sordi, quelques-uns des sketches des Nouveaux monstres, où l'Italie de la DC, encore une fois, apparaît sous des traits bien peu flatteurs.

Choc

Solitaire, Marco Ferreri est allé tourner à New York son Rêve de singe. L'inspiration en est tout à fait différente, fantastique, désespérée, poétique aussi. Beaucoup plus sobre et maîtrisé que les œuvres des années précédentes, Rêve de singe est une suite d'images magnifiques, d'images choc, où Gérard Depardieu incarne en quelque sorte le dernier homme, ou le mutant, d'un monde en décomposition. Déconcertant, mais beau. Primé en 1977 à Cannes, Padre Padrone, des frères Taviani, n'a pas fait la carrière commerciale que la récompense obtenue et sa beauté auraient dû, en fait, lui valoir.

En retrait, mais loin d'être indifférents, une poignée d'autres films doivent être mentionnés. D'abord le beau mais un peu sulpicien Jésus de Nazareth, superproduction biblique, scrupuleuse, exacte et somptueuse, de Zeffirelli.

Ensuite, pour son odeur de soufre, Au-delà du bien et du mal, évocation intéressante du personnage de Lou Andréas-Salomé, égérie de Nietzche et féministe avant la lettre, auquel Liliana Cavani a donné les traits de Dominique Sanda. Enfin, revenant à l'Italie politique, L'affaire Mori, honnête mais académique reconstitution, par Pasquale Squitteri, de la lutte engagée par un juge intègre, avant la guerre, contre la Maffia que protège le pouvoir ; et Un juge en danger, où Gian Maria Volonté interprète, devant la caméra de Damiano Damiani, un policier froussard découvrant que le terrorisme, lui aussi, est parfois de mèche avec certains officiels.

Riche, corrosif et vivant cinéma italien...

Allemagne

Une poignée de films, une poignée de noms que l'on retrouve d'une année sur l'autre : la relève allemande semble piétiner. C'est Wim Wenders, la révélation la plus récente, qui domine la saison avec son Ami américain, très maîtrisé, très angoissant, très prenant, adapté d'un roman de Patricia Highsmith. Tiré, lui, de Goethe, Faux mouvement, du même metteur en scène, n'a connu qu'une carrière confidentielle.

L'autre grand nom du cinéma allemand, Werner Herzog, a fait à nouveau appel à l'étonnant interprète de Kaspar Hauser, Bruno S. Il est, dans La ballade de Bruno, un bouleversant clochard parti à la recherche du bonheur aux États-Unis, et ne trouvant la sérénité qu'en allant, dans une scène finale magnifique, au-devant de la mort. Un beau film.