Les débuts de la métallurgie sont hésitants et ne marquent aucune révolution. Il n'y a pas rupture mais continuité : on ne fait qu'ajouter quelques objets de métal, fort rares, à de très nombreux objets de pierre (et sans doute de bois). Quant à l'expansion des Celtes à l'âge du fer, elle ne s'est pas faite de la façon massive que l'on avait supposée. Les populations locales antérieures, notamment dans l'ouest et le sud de la France, ont longtemps conservé leur originalité. En fait, la celtisation n'était pas achevée lors de la conquête romaine.

Révisions

On le voit, le progrès se marque surtout par une remise en question des connaissances (ou des croyances) antérieures. Les recherches montrent que les conceptions admises auparavant étaient bien souvent des illusions. Avec les investigations sur les origines et les changements, les fouilles des structures d'habitats préhistoriques illustrent cette tendance.

Les structures les plus anciennes que l'on discerne actuellement remontent à près de 2 MA. Et les structures vieilles de 10 000 à 20 000 ans que l'on ne cesse de découvrir dans toute l'Europe montrent une diversité et parfois une complexité surprenantes : tentes petites ou grandes, stations de chasseurs ou habitats quasi permanents, véritables maisons longues de dizaines de mètres. Nous sommes loin des hommes préhistoriques errants et misérables qu'on imaginait il y a encore peu de temps.

L'art des cavernes remis en question à La Marche

La publication des gravures préhistoriques découvertes à La Marche (Vienne) va peut-être obliger à réviser une partie des idées que l'on se faisait sur l'art de l'époque paléolithique, ce que l'on a appelé l'« art des cavernes ». Ce site a livré environ I 500 pierres gravées ; or un grand nombre portent des figurations humaines. Sur les dalles, plaques ou galets de La Marche, on a retrouvé 108 figurations humaines.

Ce que l'on connaissait jusqu'ici de l'art paléolithique était fait essentiellement d'animaux et de signes. Les hommes étaient rares, souvent d'ailleurs bizarres ou schématiques, comme les quelque 300 figurations sur plaquettes découvertes à Gönnersdorf, près de Cologne. Or, voici que les gravures de La Marche révèlent toute une population de profils extrêmement individualisés. Il est difficile de ne pas penser à des sortes de portraits ou de croquis.

Déchiffrement

Le site de La Marche était connu avant la Seconde Guerre mondiale. S'il a fallu longtemps pour en publier les gravures, c'est que le travail est d'une rare difficulté. Les gravures immédiatement lisibles sont de loin les moins nombreuses. Dans la plupart des cas, on se heurte à un extraordinaire fouillis de lignes, qui exige un véritable déchiffrement. Le Dr Léon Pales et sa collaboratrice, Marie Tassin de Saint-Péreuse, ont entrepris ce travail il y a déjà vingt-cinq ans. Comme les figures animales déjà publiées ou à publier, les figurations humaines ont demandé de très nombreux examens sous des éclairages différents, des moulages, des analyses intimes des traits, enfin toute une série de relevés ou de calques intégraux ou sélectifs.

Accouplements

Or cette publication, qui constitue en elle-même un événement, apporte un grand nombre de données nouvelles. La nouveauté tient d'abord à la représentation de figures humaines individualisées, mais il y a bien davantage. Ainsi, il était admis que l'art paléolithique ne représentait jamais d'accouplements. Cette affirmation ne peut plus être maintenue ; plusieurs accouplements sont bel et bien évoqués dans les gravures de La Marche. En reproduisant une des gravures anciennement connues, l'abbé Breuil avait déjà suggéré une telle signification. On avait, par la suite, affirmé le contraire. Or l'analyse minutieuse de l'image montre qu'il s'agit bien de deux personnages enlacés et même en partie confondus.

Sur certaines figures féminines, dites à gros ventres, ceux-ci sont vraiment si gros qu'ils font disparaître le cou et les seins. Ils peuvent être interprétés autrement : comme la ligne du dos d'un autre personnage accolé à la femme. L'analyse montre ainsi plusieurs exemples de gros ventres, qui sont en fait le dos d'un partenaire dont on peut retrouver d'ailleurs d'autres traits. Tous les états s'observent en fait, depuis l'association difficilement discutable des deux personnages jusqu'à la représentation d'une femme évidemment seule et grosse. On peut se demander si les graveurs n'ont pas cherché à représenter la procréation à ses différentes étapes, depuis l'homme et la femme sexués et indépendants l'un de l'autre jusqu'à la femme enceinte et seule.

Dissimulation

Les figures de La Marche conduisent à se poser des questions nouvelles. Dans les accouplements, les partenaires des femmes sont plus suggérés que véritablement représentés. Ce fait est à rapprocher des difficultés qu'on éprouve à lire les gravures : tout se passe comme si les graveurs avaient voulu à la fois représenter et dissimuler. Effectivement, les auteurs de ce déchiffrement déclarent n'avoir pas débrouillé « plus d'un trait sur mille », et l'on en vient alors à se poser la question de ce qui n'est pas montré dans ces gravures.