Tous les séismes survenus en 1976 (à l'exception des tremblements de terre de Chine) sont effectivement situés dans des zones de contact de deux plaques :
– Guatemala : glissement de la plaquette des Caraïbes vers l'est par rapport à la plaque Amérique ;
– Frioul : affrontement des plaques Afrique et Eurasie, qui se rapprochent l'une de l'autre à la vitesse moyenne de 1 cm par an. À cet affrontement est dû le plissement alpin ;
– Nouvelle-Guinée et Bali : rapprochement des plaques Inde-Australie et Pacifique, la première plongeant vers le nord sous la seconde ;
– Philippines : rapprochement de la plaque Eurasie et de la plaquette Mariannes, la seconde plongeant vers l'ouest sous la première ;
– Turquie : coulissage de la cicatrice anatolienne, cette grande faille secouée par de fréquents séismes qui traverse toute la Turquie d'et en ouest. La cicatrice anatolienne est l'un des accidents majeurs qui fractionnent tout le nord-est de la Méditerranée et une partie du Moyen-Orient. Coincée entre l'Afrique et l'Europe, qui se rapprochent peu à peu l'une de l'autre, toute cette région s'est en effet fragmentée en plusieurs plaquettes qui ne cessent de se rajuster les unes par rapport aux autres ;
– Chine : l'exception. La sismicité chinoise a longtemps intrigué les spécialistes : ce pays n'est pas situé sur le rebord d'une plaque et il est pourtant ravagé de temps à autres par les séismes les plus meurtriers (sur 7 séismes qui, entre 1201 et 1923, ont fait chacun 100 000 victimes ou plus, 4 se sont produits en Chine). On pense maintenant avoir trouvé une explication à cette sismicité extraordinaire : depuis 45 millions d'années, l'Inde télescope l'Asie à un rythme variable, de l'ordre de quelques centimètres par an. À ce télescopage prolongé, il faut en tout premier lieu attribuer la formation (non terminée) de l'Himalaya, du Pamir, des chaînes montagneuses de l'ouest de la Chine. Mais il faut très probablement lui attribuer aussi les longues failles de coulissage et les fossés d'effondrement détectés sur les photos prises par le satellite ERTS au-dessus du territoire chinois. Une partie importante du continent asiatique, pris dans le formidable étau que constituent au nord l'Asie septentrionale et, au sud, l'Inde, s'est donc fragmentée en petits blocs qui se rajustent parfois les uns par rapport aux autres, chacun de ces rajustements se traduisant par un tremblement de terre plus ou moins violent.
– Iran : La région de Bandar Abbas, un port du golfe Persique dans le sud de l'Iran, a été, à partir du 21 mars 1977, le siège d'une activité sismique assez exceptionnelle. La première secousse s'est produite le 21 mars à 21 h 18 (TU). Elle avait une magnitude voisine de 7 et son foyer était à une profondeur de 70 km, c'est-à-dire que le tremblement de terre peut presque être classé comme intermédiaire. La ville et plusieurs villages de la région ont subi des dégâts importants et, selon les journaux iraniens, il y aurait eu de 500 à 900 morts.
Cette première secousse a été suivie de très nombreuses répliques : du 21 au 31 mars, on en a décompté près de 40, dont les magnitudes étaient comprises entre 4,5 et 6,5. Cette agitation exceptionnelle s'est poursuivie en avril, en perdant peu à peu de sa force. En mai, les répliques n'avaient plus en général qu'une faible magnitude.
La région de Bandar Abbas est, certes, connue pour sa sismicité, due, là encore, aux phénomènes liés à la tectonique des plaques : le sud et le sud-ouest de l'Iran subissent les contrecoups de la poussée de l'Arabie, qui pivote de façon à permettre l'ouverture progressive de la mer Rouge. Mais une telle série de forts tremblements de terre est exceptionnelle, que ce soit en Iran ou dans les autres zones sismiques du monde.
– Roumanie : Le 4 mars 1977, un très violent tremblement de terre (de magnitude 7,2) secoue la Roumanie. L'épicentre est situé dans l'ouest du pays, dans la région de Vrancea. Les dégâts sont fort importants à Bucarest, à Ploiesti, à Pitesti, à Galati, à Zimnicea, à Braila. D'après les autorités roumaines, il y aurait eu plus de 40 000 logements détruits, des dizaines de milliers d'immeubles endommagés et surtout plusieurs centaines d'entreprises industrielles démolies en partie ou en totalité. Ce qui risque de perturber pendant des mois ou même des années l'économie roumaine. Au total, les dégâts sont estimés à 4 ou 4,5 milliards de F.
D'après le bilan officiel, le séisme aurait tué 1 541 personnes (la plupart à Bucarest), blessé plus de 11 000 et fait plus de 100 000 sans-abri. La secousse principale s'étant produite vers 21 h 20 (heure locale) un vendredi, il y a eu un assez grand nombre de victimes dans un restaurant à la mode de Bucarest qui s'est effondré.
Le nord de la Bulgarie a, lui aussi, été éprouvé par le séisme du 4 mars : 125 personnes ont été tuées et les dégâts matériels atteindraient une valeur de 1 milliard de F. Les secousses ont d'ailleurs été ressenties dans une très vaste région d'Europe : de Moscou à Naples, de Samsun (Turquie) à Vienne.
Le tremblement de terre du 4 mars est d'un type classique pour la Roumanie (il ressemble beaucoup au grave séisme du 10 novembre 1940), mais d'un type assez rare si on le compare à la plupart des séismes meurtriers.
Les foyers de la plupart des tremblements de terre qui ébranlent de temps à autre la Roumanie sont intermédiaires, c'est-à-dire qu'ils sont situés à des profondeurs comprises entre 100 et 185 km — 100 km le 4 mars 1977, 133 km le 10 novembre 1940 —, alors que la très grande majorité des séismes qui se produisent dans le monde est superficielle. Les tremblements de terre de Roumanie ont presque toujours lieu dans la région de Vrancea, c'est-à-dire près du coude des Carpates, et leurs foyers s'inscrivent dans une sorte de parallélépipède vertical, haut de quelque 200 km, long de 60 et large de 30. Les séismes superficiels de cette région sont rares et, en général, faibles. Notons qu'à magnitude égale plus le foyer est profond, moins le tremblement de terre est destructeur, mais plus l'aire touchée est grande (en général, car il y a de nombreuses exceptions).
Pourquoi les séismes de Vrancea sont-ils intermédiaires ? Jusqu'ici on n'a pas de réponse sûre, mais seulement une hypothèse. Les Carpates font partie du système alpin, dont l'existence et la sismicité sont dues au rapprochement de l'Afrique et de l'Eurasie autrefois séparées par un vaste océan, la Téthys. Cette disparition progressive de la Téthys se serait faite, au moins partiellement, par la plongée d'une plaque océanique rigide sous sa voisine. Cette plongée se serait produite, par à-coups, de – 180 millions d'années (au moins) à – 20 ou 15 millions d'années, période où le mouvement se serait arrêté puisque les masses continentales de l'Eurasie et de l'Afrique se seraient directement affrontées et que seules les plaques océaniques peuvent plonger. Mais, de la période antérieure, il subsisterait, sous le coude des Carpates, un restant de plaque océanique qui s'est mis à la verticale et qui continue à s'enfoncer par soubresauts, dont chacun se traduit par un séisme.

Magnitude et intensité

Deux échelles permettent d'apprécier la violence des tremblements de terre.
– La magnitude est objective : elle mesure l'énergie libérée au foyer (l'endroit plus ou moins profond où se déclenche le tremblement de terre). Elle est calculée, selon la formule de C.-F. Richter, d'après les mouvements du sol enregistrés dans des conditions précises et sur un type de sismographe déterminé. Chaque tremblement de terre est caractérisé par une magnitude. L'échelle de Richter comprend neuf degrés, qui s'écrivent en chiffres arabes. Jamais, depuis quatre-vingt-quinze ans que les sismographes existent, on n'a mesuré une magnitude de 9. Rétrospectivement, on a attribué au seul séisme de Lisbonne (1755) la magnitude 9.
– L'intensité est subjective : elle mesure les dégâts. Plus on s'éloigne de l'épicentre (la projection du foyer sur la surface de la terre), moins les dégâts sont importants. Chaque tremblement de terre est donc caractérisé par plusieurs intensités qui s'organisent en zones décroissantes, approximativement concentriques autour de l'épicentre. En outre, les dégâts sont d'autant plus importants (à magnitude égale) que le foyer est plus superficiel. L'échelle d'intensité la plus communément employée est celle de Medvedev-Sponhever et Karnik (MSK 1964). Elle comprend douze degrés, qui s'écrivent en chiffres romains.

La Soufrière : pas d'éruption, mais séisme chez les scientifiques

Le 15 août 1976, 72 500 habitants de Basse-Terre (Guadeloupe) sont évacués devant la menace d'une éruption violente de la Soufrière. Ainsi est atteint le point culminant, du point de vue humain, de l'affaire qui avait débuté en juillet 1975 et qui, depuis lors, n'avait fait que croître.