Deux des espoirs de l'an dernier, Jean-Charles Tachella, l'auteur de Cousin cousine, et Michel Lang, heureux père de À nous les petites Anglaises, déçoivent un peu avec leur deuxième film, respectivement Le pays bleu (où l'on peut toutefois aimer le chaud sourire de Brigitte Fossey) et Une fille cousue de fils blancs. Philippe de Broca, avec Julie pot-de-colle (un duo Jean-Claude Brialy-Marlène Jobert), Michel Deville avec L'apprenti salaud (Robert Lamoureux et une nouvelle venue délicieuse, Christine Dejoux), Claude Berri, surtout, avec La première fois (l'éducation amoureuse d'un adolescent interprété par celui qui fut le gamin du Vieil homme et l'enfant, Alain Cohen) restent, eux, fidèles à eux-mêmes, et à la gentillesse bien française qui caractérise la plupart de nos films. Une gentillesse que François Veber a voulu conserver dans Le jouet ; le film, satire du monde de la presse et de ses magnats tyranniques, ne manque pas d'intérêt mais aurait pu être plus vigoureux. Une gentillesse, en revanche, totalement absente du premier film de Serge Moati, connu pour ses mises en scène de la télévision : Nuit d'or, jouant sur le registre du fantastique, avec le grimaçant Klaus Kinski, ne convainc guère.

Féminin

Bien que l'année de la femme ne soit plus qu'un souvenir, le cinéma s'occupe de plus en plus du sexe faible : on recense une bonne dizaine de films féministes, souvent tournés par des femmes, qui ont plaidé leur cause avec des succès divers. À ne pas classer ici, sans doute, Un mari c'est un mari, avec Frédérique Hébrard, auteur de l'étonnant succès de librairie du même nom. Mais à retenir notamment Ben et Benedict, de Paula Delsol, Mon cœur est rouge, de Michèle Rozier (tous deux interprétés par Françoise Lebrun), et surtout, pour sa poésie souriante. L'une chante, l'autre pas, où Agnès Varda révèle deux comédiennes que l'on devrait revoir : Thérèse Liotard et surtout Valérie Mairesse.

Sorti en fin de saison, après bien des remous, Le diable probablement traite, lui, du désespoir de la jeunesse. Pour la première fois, Robert Bresson plonge sa caméra au cœur de notre société. Avec, comme d'habitude, des acteurs non professionnels, qui parlent d'une voix monocorde, et des images resserrées, où les objets comptent autant, sinon plus, que les personnages. Pollution, danger nucléaire, mort de Dieu, cette œuvre, très pessimiste, est un violent cri d'alarme. Et un film important.

Enfin, après un coup de chapeau aux rares documentaires de l'année (La griffe et la dent, superbe et sanglant opéra animalier de François Bel et Gérard Vienne, sur une bande sonore de Maurice Fano justement récompensée par le Décibel d'or, et le passionnant Sartre par lui-même d'Alexandre Astruc), et au charmant montage-rétro de Philippe Collin, Ciné-follies, il faut saluer le retour de Jacques Tati : Jour de fête et Les vacances de M. Hulot entament une nouvelle carrière.

Statistiques 1976

– Production : 214 films, dont 170 intégralement français et 20 en coproduction à majorité française. Soit une diminution globale de 4,1 % par rapport à 1975, mais une augmentation de 6,3 % pour les films français.

– Spectateurs : 176,04 millions. En diminution de 2,58 % par rapport à 1975.

– Recettes : 1 744 millions. En hausse de 11,47 % par rapport à 1975.

– Premières œuvres : 42 (contre 37 en 1975).

– Courts métrages : 432 (contre 461 en 1975).

– Salles : 4 443, contre 4 328 en 1975. Mais diminution du nombre des fauteuils : 1 684 736, contre 1 755 583 en 1975. Soit une moyenne de 379 fauteuils par salle.

– Salles classées « art et essai » : 587 (contre 546 en 1975).

– Coût moyen d'un film : 2,75 millions (soit une diminution de 13,8 % par rapport à 1975).

États-Unis

Cette année encore, c'est des États-Unis que vient l'œuvre la plus achevée : Barry Lyndon. Il est vrai qu'elle est due à Stanley Kubrick, qui tourne peu, prépare longuement chacune de ses œuvres et, chaque fois, étonne un peu plus. Cette adaptation d'un roman anglais du XIXe siècle de William M. Thackeray est surtout prétexte, pour le metteur en scène, à un feu d'artifice d'images parfaites. Rien n'est laissé au hasard, décors, cadrages, costumes, maquillages (sur des visages soigneusement choisis) et surtout éclairages : pour les scènes d'intérieur, Kubrick a mis au point un procédé permettant de filmer à la lueur des chandelles. Ce qui donne à ses personnages, soldats de la guerre en dentelles ou joueurs impassibles des cours royales, masques blancs sous perruques poudrées, un aspect presque irréel, comparable à celui des tableaux de l'époque, et jamais vu encore à l'écran. Ce film superbe, que l'on peut trouver un peu froid, a fait l'unanimité chez les spectateurs français (on le trouve à la troisième place du box-office) par son ébouissante perfection formelle.

Superproduction

Au même box-office (où il faut souligner l'excellente tenue des films français, six contre quatre venus d'outre-Atlantique, dont l'inévitable Walt Disney, une reprise, La belle et le clochard), on trouve ensuite la superproduction lancée à grand fracas publicitaire. Un remake, une modernisation coûteuse, fidèle, et pourtant très inférieure à son modèle ancien : King-Kong, de John Guillermin. Soigné, mais sans poésie aucune. Et c'est un petit film, à petit budget, d'un réalisateur inconnu, et sans vedettes, qui paradoxalement le talonne presque : Lâche-moi les baskets, de Joseph Reuben.