Ces compromis semblent tellement reposants (l'opinion y trouve difficilement à redire) qu'un tel architecte passe finalement pour une sorte de sauveur : on lui avait déjà confié un bâtiment administratif à Nancy, après la contestation d'un premier projet.

Pendant ce temps, à Paris, en plusieurs endroits, on cultive une autre manière moins radicale : on démolit des immeubles en conservant précieusement les façades. Un immeuble de bureaux se loge derrière des murs de pierre sculptée postiches : c'est le cas de la maison Dorée, boulevard des Italiens ; de l'ancien siège du Figaro au rond-point des Champs-Élysées et de plusieurs autres. Architecture sans risques...

L'urbanisme à la française

« Dans l'action que nous devons mener pour l'amélioration de l'environnement et, particulièrement, contre l'enlaidissement de la France, un nouveau pas me semble pouvoir être maintenant franchi », écrit dans une lettre au Premier ministre, Jacques Chirac, le président de la République, à la veille de se rendre à Angers, le 1er juillet 1976, pour y clore la Journée nationale du cadre de vie.

Directives

Après la réforme foncière, la loi sur la protection de la nature et la réforme de l'urbanisme, d'autres actions semblent nécessaires à V. Giscard d'Estaing, qui définit ainsi sa conception d'un urbanisme à la française : « Les grandes tours d'habitation doivent être proscrites ; le caractère des villages ne doit plus être dégradé par des constructions périphériques désordonnées. (...). Je souhaite pour la France un mode de développement urbain original. Il faut concevoir un urbanisme à la française, un urbanisme qui donne aux Français des villes animées, qui encourage l'esprit de communauté au niveau des quartiers ou des villages », déclare le président de la République devant une assemblée de quelque 700 fonctionnaires de divers ministères concernés par les problèmes du cadre de vie (équipement, agriculture, culture, etc.).

Les directives données par Valéry Giscard d'Estaing dans sa lettre a J. Chirac sont traduites, quelques mois plus tard, dans une série de circulaires, qui sont rendues publiques le 16 mars 1977, entre les deux tours des élections municipales. Ces textes remplacent d'autres circulaires plus anciennes sur les mêmes sujets : une circulaire de 1971, signée de Albin Chalandon, qui interdisait la construction de tours et d'immeubles en forme de barres dans les villes de moins de 50 000 habitants ; une autre de Olivier Guichard, datant de 1973, qui visait à limiter la taille des grands ensembles d'habitations et à éviter la ségrégation par l'habitat, qui relègue les familles les plus modestes à la périphérie des villes.

Vœux pieux

Les circulaires du 16 mars, signées par Jean-Pierre Fourcade, ministre de l'Équipement, sont plus restrictives encore. Mais beaucoup d'observateurs et de professionnels concernés (architectes, promoteurs, constructeurs de logements sociaux) émettent des doutes quant à leur cohérence et à leur possibilité d'application pratique, les circulaires n'ayant pas la valeur juridique d'un décret ou d'une loi. Sans les moyens financiers, une telle politique semble peu réaliste et se classe plutôt du côté des vœux pieux.

Que disent ces textes ? Le premier interdit désormais la construction d'immeubles de plus de 6 étages dans les agglomérations de plus de 30 000 habitants, et de plus de 4 étages dans les communes plus petites. Dans l'ensemble, « la hauteur des immeubles à construire dans des secteurs déjà bâtis ne devra pas dépasser sensiblement la hauteur des immeubles les plus courants de la rue ou du quartier ». D'autre part, les « immeubles isolés aux formes géométriques trop monotones ou trop répétitives » sont proscrits.

Pour « éviter la dégradation des paysages et l'enlaidissement des abords des villages et des petites villes par des constructions désordonnées », comme le demandait V. Giscard d'Estaing, l'une des circulaires enjoint aux préfets d'interdire les constructions dans les zones naturelles ou agricoles. Enfin, un troisième texte définit les défauts à éviter pour les terrains destinés à la construction de logements sociaux. Ceux-ci ne devront plus être autorisés au voisinage des dépôts de déchets ou d'installations industrielles, au voisinage de grandes routes ou de zones ferroviaires, ni être mal desservis ou éloignés des commerces.